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Calculette
Calculette
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Article de presse De 622à nos jours, l'esclavage en terre d'Islam

Sam 13 Oct - 21:57
Après la mort du prophète Mahomet en 622 et la soumission de la péninsule arabe, les musulmans conquièrent les rives méridionales et orientales de la Méditerranée. Multipliant les prises de guerre, ils prolongent dans ces régions l'esclavage à la mode antique. Ils inaugurent aussi une longue et douloureuse traite négrière qui va saigner l'Afrique noire jusqu'à la fin du XIXe siècle.

L'esclavage en terre d'islam est hélas une réalité qui dure comme le montre l'anthropologue Malek Chebel.
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Marché d'esclaves à Zanzibar

Islam et esclavage.

Le Coran, texte sacré de l'islam, entérine l'existence de l'esclavage (voir la sourate XVI, Les abeilles)

« Dieu a favorisé certains d’entre vous plus que d’autres dans la répartition de ses dons
Que ceux qui ont été favorisés
ne reversent pas ce qui leur a été accordé à leurs esclaves au point que ceux-ci deviennent leurs égaux Nieront-ils les bienfaits de Dieu ? » (XVI : 71)
Notons que le premier muezzin désigné par le Prophète pour l'appel à la prière est un esclave noir du nom de Bilal originaire d'Éthiopie.

La loi islamique ou charia, qui s'appuie sur le Coran et les dits du prophète (hadiths),considère qu'en pays d'islam, seuls sont esclaves les enfants d'esclaves et les prisonniers de guerre. Elle autorise d'autre part la
réduction en esclavage de quiconque provient d'un pays non musulman (si un esclave vient à se convertir, il n'est pas affranchi pour autant).

Très tôt, du fait de la rapidité même de leurs conquêtes, les Arabes se heurtent à une pénurie d'esclaves. Ils ne peuvent asservir les populations des pays soumis à leur loi et se voient donc dans l'obligation d'importer en nombre croissant des esclaves des pays tiers, qu'ils soient ou non en voie d'islamisation.

Comme les chrétiens du haut Moyen Âge, ils s'abstiennent de réduire en esclavage leurs coreligionnaires mais cette règle souffre de nombreuses transgressions et l'on ne rechigne pas à asservir des musulmans, notamment noirs, au prétexte que leur conversion est récente (*).

Une économie fondée sur l'esclavage
L'esclavage
devient rapidement l'un des piliers de l'économie de l'empire abasside
de Bagdad du fait de très nombreuses prises de guerre et de l'avènement
d'une très riche bourgeoisie urbaine. Pour s'en convaincre, il n'est que
de lire Les Mille et Une Nuits, un recueil de contes arabes censés se dérouler sous le règne du calife Haroun al-Rachid, contemporain de Charlemagne.
Les harems
du calife et des notables de Bagdad se remplissent de Circassiennes. Il
s'agit de femmes originaires du Caucase et réputées pour leur beauté ;
ces belles esclaves ont continué jusqu'au XXe siècle d'alimenter les
harems orientaux en concurrence avec les beautés noires originaires
d'Éthiopie. Pour les tâches domestiques et les travaux des ateliers et
des champs, les sujets du calife recourent à d'innombrables esclaves en
provenance des pays slaves, de l'Europe méditerranéenne et surtout
d'Afrique noire. Ces esclaves sont maltraités et souvent mutilés et
castrés.
D'autres esclaves et eunuques sont employés comme soldats
et chefs de guerre par les différentes dynasties musulmanes, du Maroc
aux Indes. Ces esclaves-là accèdent parfois à des fonctions élevées et
parfois au pouvoir suprême. Ainsi en est-il des fameux Mamelouks d'Égypte, que Bonaparte devra combattre en 1798.


Eunuques et castratsInventée et développée à grande échelle par la Chine impériale, exportée dans les pays musulmans et jusqu'en Italie (les castrats), l'exploitation des eunuques (hommes castrés) est l'une des formes d'esclavage les plus inhumaines qui soient.
Elle
poursuit deux objectifs principaux : empêcher que les esclaves
étrangers ne fassent souche ; éviter les relations sexuelles entre les
femmes des harems et leurs serviteurs. Les castrats sont aussi recherchés par les mélomanes pour leur voix très aigüe.
La
castration consiste en l'ablation des parties génitales, soit totale,
soit limitée aux testicules (pour empêcher la reproduction). Elle est le
plus souvent pratiquée à la pré-adolescence et se solde par une
mortalité effroyable.
Les esclaves mâles originaires d'Afrique
noire sont généralement castrés en Égypte par des moines coptes pour le
compte des traficants musulmans. À l'époque carolingienne, les captifs
slaves destinés aux marchés orientaux sont quant à eux castrés à Verdun,
principal marché d'étape de ce trafic.

Esclaves blancs en terre d'islamDans
les premiers temps de l'islam, les notables de Bagdad s'approvisionnent
en esclaves blancs auprès des tribus guerrières du Caucase mais aussi
auprès des marchands vénitiens qui leur vendent des prisonniers en provenance des pays slaves, encore païens.
À
la fin du Moyen Âge, comme le vivier slave s'épuise du fait de la
christianisation de l'Europe orientale, les musulmans se tournent vers
les pirates
qui écument la Méditerranée. Ces derniers effectuent des razzias sur
les villages côtiers des rivages européens. Le souvenir des combats
livrés par les habitants à ces pirates perdure dans... la tête de
prisonnier maure qui sert d'emblème à la Corse.
On évalue à plus
d'un million le nombre d'habitants enlevés en Europe occidentale entre
le XVIe et le XVIIIe siècle, au temps de François 1er, Louis XIV et
Louis XV. Ces esclaves, surtout des hommes, sont exploités de la pire
des façons dans les orangeraies, les carrières de pierres, les galères,
les chantiers... d'Afrique du nord (*). Des organisations chrétiennes déploient beaucoup d'énergie dans le rachat de ces malheureux, tel Miguel de Cervantès ou plus tard Saint Vincent de Paul.
En
Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les
Ottomans prélèvent environ trois millions d'esclaves. Mais l'expansion
européenne, à partir de la fin du XVIIIe siècle, met fin à ces razzias.

Esclaves noirs en terre d'islamSi
la traite des esclaves blancs a rapidement buté sur la résistance des
Européens, il n'en a pas été de même du trafic d'esclaves noirs en
provenance du continent africain.
La traite arabe commence en 652, vingt ans après la mort de Mahomet,
lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux chrétiens de
Nubie (les habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360
esclaves par an. La convention, très formelle, se traduit par un traité
(bakht) entre l'émir et le roi de Nubie Khalidurat.
La
traite ne va cesser dès lors de s'amplifier. Les spécialistes évaluent
de douze à dix-huit millions d'individus le nombre d'Africains victimes
de la traite arabe au cours du dernier millénaire, du VIIe au XXe
siècle. C'est à peu près autant que la traite européenne à travers
l'océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle.
Le trafic suit
d'abord les routes transsahariennes. Des caravanes vendent, à Tombouctou
par exemple, des chevaux, du sel et des produits manufacturés. Elles en
repartent l'année suivante avec de l'or, de l'ivoire, de l'ébène et...
des esclaves pour gagner le Maroc, l'Algérie, l'Égypte et, au-delà, le
Moyen-Orient. Au XIXe siècle se développe aussi la traite maritime entre
le port de Zanzibar (aujourd'hui en Tanzanie) et les côtes de la mer Rouge et du Golfe persique.
Le
sort de ces esclaves, razziés par les chefs noirs à la solde des
marchands arabes, est dramatique. Après l'éprouvant voyage à travers le
désert, les hommes et les garçons sont systématiquement castrés avant
leur mise sur le marché, au prix d'une mortalité effrayante, ce qui fait
dire à l'anthropologue et économiste Tidiane N'Diyae : «Le
douloureux chapitre de la déportation des Africains en terre d'Islam est
comparable à un génocide. Cette déportation ne s'est pas seulement
limitée à la privation de liberté et au travail forcé. Elle fut aussi -
et dans une large mesure- une véritable entreprise programmée de ce que
l'on pourrait qualifier d'
"extinction ethnique par castration"» (*).
Les contes des Mille et Une Nuits,
écrits au temps du calife Haroun al-Rachid (et de Charlemagne),
témoignent des mauvais traitements infligés aux esclaves noirs et du
mépris à leur égard (bien qu'ils fussent musulmans comme leurs maîtres).
Ce mépris a perduré au fil des siècles. Ainsi peut-on lire sous la plume de l'historien arabe Ibn Khaldoun (1332-1406) : «Il
est vrai que la plupart des nègres s'habituent facilement à la
servitude ; mais cette disposition résulte, ainsi que nous l'avons dit
ailleurs, d'une infériorité d'organisation qui les rapproche des animaux
brutes. D'autres hommes ont pu consentir à entrer dans un état de
servitude, mais cela a été avec l'espoir d'atteindre aux honneurs, aux
richesses et à la puissance»
(Les Prolégomènes, IV). Ces propos précèdent de deux siècles la traite atlantique des Occidentaux.

Esclavage et décadenceLes
contingents très importants de main-d'oeuvre servile ont contribué à la
stagnation économique et sociale du monde musulman. Ils ont causé aussi
de nombreux troubles. C'est ainsi qu'à la fin du IXe siècle, la
terrible révolte des Zendj (ou Zenj,
d'un mot arabe qui désigne les esclaves noirs), dans les marais du sud
de l'Irak, a entraîné l'empire de Bagdad sur la voie de la ruine et de
la décadence.
«Comparé à la traite des Noirs
organisée par les Européens, le trafic d'esclaves du monde musulman a
démarré plus tôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a
touché un plus grand nombre d'esclaves»
, écrit en résumé l'économiste Paul Bairoch (*).
Cet auteur, ainsi que Tidiane N'Diaye, rappelle qu'il ne reste plus
guère de trace des esclaves noirs en terre d'islam en raison de la
généralisation de la castration, des mauvais traitements et d'une très
forte mortalité, alors que leurs descendants sont au nombre d'environ 70
millions sur le continent américain.
Notons le parallèle avec les
États arabes du Golfe Persique qui recourent massivement à des
travailleurs étrangers tout en empêchant ceux-ci de faire souche sur
place.
Alban Dignat.
______________________
L'anthropologue Malek Chebel montre dans L'esclavage en terre d'islam (Fayard, septembre 2007, 496 pages, 24 euros) comment une culture esclavagiste s'est greffée sur l'islam. Il a justement sous-titré son ouvrage Un tabou bien gardé.

Il s'agit non d'un livre d'histoire mais d'un récit de voyage ethnographique émaillé de références littéraires.

Toujours d'actualité

Le monde musulman n'étant pas un bloc homogène, l'auteur analyse région après région les traces laissées par l'esclavage et ce qu'il en reste.

Dans beaucoup de régions perdure l'esclavage «de traîne» : il affecte les descendants d'esclaves qui portent le fardeau de leur hérédité ; ainsi ne peuvent-ils par exemple épouser une femme de classe supérieure.

Sur la côte sud de l'Iran subsiste une communauté issue des anciens esclaves noirs qui parle arabe, pratique le sunnisme et entretient des coutumes d'origine africaine. En Arabie, malgré la répétition des édits abolitionnistes, l'esclavage perdure de fait, avec une relative discrétion. Il concerne des ressortissants africains, sans parler des travailleurs asiatiques dont le sort est proche de la servitude.

L'esclavage demeure présent aussi dans les régions sahariennes (Libye, Niger, Tchad, Mali...) sans qu'on puisse en chiffrer l'importance. Cédant à la pression des ONG, un chef targui du Niger, Amrissal Ag Amdague, a accepté le 10 mars 2005 de libérer 7.000 esclaves coutumiers contre espèces sonnantes et trébuchantes ! En Mauritanie, l'esclavage des Noirs (Harratine) par les Bédouins est une réalité prégnante dont l'auteur a lui-même pris la mesure lors de ses voyages...

Autant dire que la lutte contre l'esclavage demeure d'actualité et cet ouvrage permet de s'en convaincre. Malek Chebel le rappelle avec justesse : «l'esclavage est la pratique la mieux partagée de la planète, c'est un fait humain universel».

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