Les gros caprices du conseiller de Hollande (Charlie Hebdo 04 Dec 2013)
Après la publication de cette enquête sur Faouzi Lamdaoui, un conseiller de Hollande, Charlie a été la cible d’articles dans les médias algériens, accusant notre journal des maux les plus délirants. Des articles téléguidés depuis... la présidence de la République ! Révélations dans le n°1120 de Charlie du mercredi 4 décembre 2013.
À défaut d’avoir du pouvoir, Faouzi Lamdaoui en apprécie les attributs, au point que la protection policière qui lui a été accordée pendant trois mois suscite des interrogations. Faut dire d’autant plus qu’elle a donné lieu à un incident qui embarrasse autant l’Élysée que l’Intérieur. Et, pendant ce temps, c’est la diversité qui en pâtit...
C’est le genre chien de garde et homme à tout faire qui attendait sa récompense, une fois le patron élu, genre un beau fauteuil de secrétaire d’État. Mais François Hollande est entré à l’Élysée, et Faouzi Lamdaoui, son fidèle chef de cabinet pendant la campagne, son indispensable bras droit, porteur de costumes ou de dossiers, a été nommé simple conseiller, un pauvre hochet en guise de poste. Lamdaoui, un inconnu arrivé de Constantine dans les années 1980, inscrit au PS avant de croiser la route de Hollande en 2003, s’était retrouvé secrétaire national au parti avant de dire ouf. Mais afficher une ambition carnassière et faire son trou à la vitesse grand V ne l’ont pas empêché d’échouer aux législatives en 2007, de se faire virer de la mairie d’Argenteuil, où il a été élu adjoint, après deux petites années, puis d’être écarté de la candidature aux législatives de 2012.
Pire: à l’Élysée, où Hollande l’a emmené avec lui, le pauvre ne dispose même pas d’un bureau au cœur du réacteur, près du président. Il a été expédié de l’autre côté de la rue, à l’hôtel Marigny, la résidence officielle des invités de la République. Chargé «de l’égalité et de la diversité», vaste domaine où tant reste à faire, il pond des notes et des rapports, et reçoit à la pelle des demandes d’interventions de toutes sortes. Un jour, c’est un commissaire d’Argenteuil qui postule à un poste au sein de la sécurité de l’Élysée. [NDLR : Ce commissaire d'origine tunisienne Abdelhafid SHRAIET a été promu en novembre 2014] Une autre fois, un ancien associé dans ses boîtes de logistique passe lui faire coucou au bureau…
Mais bon, heureux soit Faouzi Lamdaoui. Selon les informations de Charlie, quelques mois après avoir perdu l’usage de son permis de conduire, la faute aux flashages trop fréquents, voilà que le conseiller s’est mis à recevoir des lettres de menaces de mort. Ni une ni deux, une protection policière — avec la voiture qui va avec — lui a été accordée. La République se doit de défendre ses citoyens en danger! Une enquête préliminaire est ouverte en parallèle par le parquet de Paris.
À partir de la mi-mai 2013, deux flics l’attendent donc chaque matin en bas de chez lui à 7 heures, le trimbalent en bagnole officielle pour ses rendez-vous et déjeuners en ville, et le ramènent à la maison, souvent à pas d’heure. À l’Élysée, certains tordent le nez sur cette curieuse affaire, comme au ministère de l’Intérieur, au Service de protection des hautes personnalités (SPHP), qui gère les officiers de sécurité affectés aux protections rapprochées. Mais bon, tant que la menace subsiste, il faut parer à un éventuel attentat. D’ailleurs, quelques jours après une réunion de réévaluation de la menace au ministère, une nouvelle lettre arrive. Comme par miracle…
Viennoiserie indigeste
Mais l’enquête du parquet reste dans une impasse. La brigade criminelle est venue interroger Lamdaoui à l’Élysée, mais impossible de remonter la piste des auteurs de ces courriers, sept en tout, arrivés dans sa boîte aux lettres, faisant allusion «au Mali» et à la guerre française en Afrique, selon un connaisseur de l’affaire.Le meilleur reste à venir. Le 30 juillet, au matin, une équipe de relève attend Faouzi Lamdaoui, quand ce dernier monte dans la voiture. Surprise: monsieur le conseiller élyséen se fâche alors, regrettant que la «consigne» n’ait pas été respectée. «Quelle consigne?», demande l’un des deux officiers de sécurité. «On ne vous a pas dit qu’il faut m’acheter un pain au chocolat le matin?»
Pour le flic en question, un ancien légionnaire dont tout le SPHP connaît le parcours en Bosnie et au Rwanda, la «consigne» ne passe pas. «Les fonctionnaires du SPHP sont des policiers aguerris dont le métier ne consiste pas à faire les courses à la boulangerie», appuie un syndicaliste UNSA Police, Christophe Crépin.
C’est l’incident: Lamdaoui exige de descendre de voiture et téléphone immédiatement au patron du SPHP pour demander des comptes… Après une réunion d’explication dans le bureau de Lamdaoui, en présence de flics et de militaires de l’Élysée, après qu’un rapport a été fait au SPHP, la mission est maintenue. Le conseiller diversité de Hollande s’envole alors tranquillement en Arabie saoudite pour une semaine de vacances. Mais, deux jours après, surprise: finie, la protection, envolée, la voiture de Faouzi Lamdaoui. «Au plus haut sommet de l’État, on a estimé qu’il fallait mettre un terme à cette histoire», confie un flic. «Il y a eu une décision de l’Elysée, de Matignon ou de l’Intérieur pour lever la protection de Faouzi Lamdaoui», confirme le représentant de l’Unsa Police. On estime donc qu’il n’y a plus de danger, alors que l’enquête judiciaire, elle, n’est toujours pas clôturée. Mais y a-t-il eu réellement menace?
L’affaire embarrasse au plus haut niveau. Pour preuve, le rapport fait à destination de la hiérarchie du SPHP, ce fameux matin du 30 juillet, a disparu. Purement et simplement. Alors que chaque incident ou problème est répertorié jour après jour dans la base informatique du service, le rapport s’est évaporé, ainsi que son numéro d’enregistrement. On passe ainsi du numéro 956, dressé le 29 juillet 2013 à 17 h 51, concernant un souci à propos de la sécurité de Thierry Repentin, au 958, enregistré le 30 juillet à 9 h 08, un problème d’adjoint administratif. Le rapport 957 s’est perdu dans les limbes. Probablement une erreur informatique…
Faouzi Lamdaoui, contacté à l’Élysée à plusieurs reprises, n’a pas souhaité répondre aux interrogations de Charlie. Il doit probablement passer pas mal de temps à gérer les suites de son passage à Argenteuil, où sont nées des inimitiés qui perdurent à l’aide de plaintes dans tous les sens et de procédures multiples. Accusé de «travail dissimulé» par un jeune militant, Mohamed Belaïd, qui fit office de chauffeur à Hollande et Lamdaoui pendant quelques mois en 2009 sans contrat de travail, il a encore un peu de temps devant lui. Après avoir gagné le contentieux aux prud’hommes, il lui faut attendre 2017 pour l’appel: la cour a décidé, le 2 octobre, qu’il fallait surseoir à statuer le temps du mandat du président de la République, lui aussi concerné par l’affaire!
Le dossier qui pourrait se révéler plus embarrassant pour monsieur le conseiller, c’est une vilaine affaire de faux présumé: Lamdaoui, avant de s’engager dans la campagne auprès de Hollande, aurait mis comme gérant de sa société la femme de Mohamed Belaïd, dans son dos, pour on ne sait quel usage, après qu’elle a pourtant refusé de prêter son nom. C’est du moins ce qu’assure une plainte déposée bien avant la présidentielle. Rebaptisée Cronoservice, la boîte a depuis changé d’adresse ; Lamdaoui a revendu ses parts à ses associés, mais une enquête préliminaire est toujours en cours.
Le conseiller de Hollande, dit-on dans le petit monde politique, serait sur la touche à l’Élysée. Et la diversité aussi.
Laurent léger
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