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Calculette
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Article de presse Mariage Gay : Saisine du Conseil Contitutionnel le 23 avril 2013

Ven 3 Mai - 17:11
Paris le 23 avril 2013
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Les Sénateurs soussignés ont l’honneur de soumettre à votre examen, conformément au
deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, la loi ouvrant le mariage aux couples de
personnes de même sexe aux fins de déclarer les articles 1er, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18,19, 21, 22 contraires aux principes d’intelligibilité de la loi et d’égalité, au respect de la vie privée et familiale, et à l’obligation du législateur d’assurer à l’individu les conditions nécessaires à son développement, ainsi qu’aux articles 1er, 34, 38, 55, 69, 74 et 77 de la Constitution, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de 1946.

1.Sur l’insuffisance manifeste des travaux préparatoires
Les auteurs de la saisine tiennent à souligner la particulière insuffisance de l’étude d’impact alors même que ce texte entraine un bouleversementmajeur de société ; ils tiennent à ajouter qu’aucun des avis obligatoires ou facultatifs requis n’a été favorable à la loi déférée et que le texte contient des contradictions et lacunes qui sont autant d’incitations à frauder la loi.
Ces éléments montrent, entre autres, que la loi déférée ne respecte pas le principe d’intelligibilité de la loi, régulièrement réaffirmé par votre Conseil.

1-1-1
. En vertu de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, les projets de loi doivent être accompagnés d’uneétude d’impact dont les documents doivent exposer «avec précision» notamment : l’impact du projet de loi sur l’ordre juridique interne, l’état d’application du droit dans le ou les domaines visés ; les modalités d’application dans letemps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ; les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités d’Outre-mer, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ; l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ; la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.
Or, le rapport rendant compte de cette étude est notoirement insuffisant et ne répond pas aux
exigences posées par le législateur organique. Il n’a donc pu mettre le Parlement en mesure
d’apprécier sincèrement les considérables impacts de la loi, tant sur le plan juridique interne et
international que sur le plan social.
1-1-2
. Les auteurs de la saisine ont notamment relevé de graves carences dans les domaines suivants.

1 Paris le 23 avril 2013
Pour justifier le recours à cette loi, l’étude se f
onde sur un sondage prétendant qu’une majorité
des Français y serait favorable, ou invoque encore
la nécessité de régler un certain nombre de
difficultés catégorielles liées à des situations de
fait volontairement provoquées, sans les
décrire ni démontrer que le droit positif n’y répon
drait pas, alors même que la loi est censée
être guidée par l’intérêt général et non par les re
vendications d’une minorité de personnes.
L’étude d’impact n’évoque aucune des conséquences,
notamment sociales de la loi déférée,
pourtant prévues à l’article 8 de la loi n° 2009-40
3, notamment en ce qui concerne l’évolution
de la famille et le sort des enfants adoptés qui au
ront pour « parents » deux personnes de
même sexe. L’évaluation de l’impact psychologique,
affectif et éducatif sur ces enfants est
totalement absente.
De même, l’étude d’impact n’évoque pas les conséque
nces financières, ni les coûts et
bénéfices financiers attendus alors même, à titre d
’exemple, que le « mariage » entre deux
personnes de même sexe aura des conséquences sur le
budget de la nation, compte tenu des
avantages fiscaux dont bénéficient les couples mari
és.
Si l’étude d’impact évoque superficiellement l’impa
ct juridique du texte en droit interne, elle
ne traite pas sérieusement de la question de la con
stitutionalité du projet de loi en s’abritant
derrière une interprétation contestable de la porté
e de la décision n° 2010-92 QPC du 28
janvier 2011. Son contenu est aussi particulièremen
t indigent s’agissant des conséquences du
texte sur le droit de la filiation, notamment conce
rnant la présomption de paternité dans le cas
d’un « mariage » entre deux personnes de même sexe.
De même, elle néglige d’examiner
sérieusement la question de l’impact réel sur les m
ariages existants et sur les remariages d’un
conjoint divorcé avec un nouveau « conjoint » du mê
me sexe.
De plus, l’étude d’impact n’apporte aucun éclairage
précis sur le droit en la matière dans les
différents pays qui ont adopté une législation, pré
sentée à tort comme similaire, par des pays
étrangers. En effet, quinze pays ont, à l’heure act
uelle, reconnu le « mariage pour tous » : les
cinq États scandinaves, le Portugal, l’Espagne, le
Royaume-Uni, mais avec des conditions
différentes des nôtres, le Canada, quelques États a
ux États-Unis et au Brésil, l’Argentine,
l’Uruguay depuis hier, et l’Afrique du Sud. Mais en
réalité le mariage n’a pas, dans ces pays,
la même signification qu’en France. Ils ne transpos
ent pas le mariage, à l’origine institution
religieuse catholique, inscrit dans notre droit dep
uis 1804.
Le droit français a en effet voulu faire du mariage
une institution et un contrat solennels. Or,
dans les pays précités, le mariage n’a pas ce carac
tère. Par exemple, dans les États protestants,
le mariage n’a pas du tout la même signification :
il peut être dissous dans des conditions
différentes des nôtres, et les règles applicables à
l’adoption ne sont pas les mêmes. Par
ailleurs, au Portugal, on ne peut pas adopter et au
x Pays-Bas on ne peut adopter un enfant que
si celui-ci a la nationalité de ce pays.
C’est pourquoi les requérants ont proposé un systèm
e d’union civile, proche de celui existant
en Allemagne et dans d’autres États, qui ont établi
légalement la différence entre le mariage,
institution consacrée par le code civil depuis deux
siècles, et l’union civile, réservée aux
couples homosexuels.
Enfin, l’étude d’impact ne présente aucun élément r
elatif à l’impact de la loi déférée sur
l’évolution de l’adoption internationale et les con
séquences en matière d’autorité parentale,
l’étude d’impact ne faisant même pas état d’une étu
de de législation comparée.
2
Paris le 23 avril 2013
1-2-1.
Les auteurs de la saisine avisent votre Conseil
qu’aucun avis favorable à la loi
déférée, qu’il soit obligatoire ou facultatif, n’a
été rendu
par un organisme ayant une
compétence réelle en matière familiale.
1-2-2
. Les organismes devant être obligatoirement consult
és n’ont pas rendu d’avis
favorable ; il s’agit des avis rendus par la Caiss
e nationale des allocations familiales (CNAF),
émis le 18 octobre 2012, celui rendu, le 9 janvier
2013, par le Conseil Supérieur de
l’Adoption fait état de nombreuses réserves et inqu
iétudes, et l’avis du Conseil d’État, en date
du 31 octobre 2012, comporte de si nombreuses réser
ves qu’il ne peut être considéré comme
favorable.
1-2-3.
L’Académie des sciences morales et politiques, dont
la consultation n’était pas
obligatoire, a rendu, le 21 janvier 2013, un avis d
éfavorable à la loi déférée.
1-2-4.
Enfin, d’autres instances, dont l’éclairage aurait
été nécessaire, n’ont pas été
consultées. L’Académie française, dont l’avis sur l
es terminologies imposées par la loi déférée
et leur conformité à la langue française et aux not
ions constitutionnelles aurait pu être
sollicitée. Le Conseil économique, social et enviro
nnemental, dont la compétence sur le sujet
ne fait aucun doute selon les requérants, n’a pas é
té saisi par le Premier ministre et a, selon la
logique avancée par le Gouvernement, refusé d’exami
ner une pétition déposée par plus de 700
000 citoyens, contrairement aux dispositions de l’a
rticle 69 de la Constitution. Enfin, le
Comité consultatif national d’éthique, dont la miss
ion est pourtant de donner des avis sur les
questions éthiques et de société, soulevés par les
progrès de la connaissance dans les
domaines de la biologie, de la médecine et de la sa
nté, a délibérément été ignoré.
2.
Sur le conflit de loi engendré avec les règles du d
roit public international
2-1.
L’étude d’impact, précédemment critiquée, a égaleme
nt fait preuve d’une insuffisance
significative quant à la compatibilité de la loi av
ec les conventions internationales conclues
par la France. Elle ne mentionne qu’une minorité d’
accords bilatéraux impactés par le
changement (unilatéral à l’égard de nos cocontracta
nts) de la définition du mariage. Comme
en témoigne le refus du ministre des affaires étran
gères d’informer un parlementaire
1
,
l’inventaire très incomplet des conventions interna
tionales concernées n’a nullement mis le
Parlement en situation d’apprécier l’impact interna
tional du texte.
En particulier, les
conséquences au regard de la règle
Pacta sunt servanda
, de la règle
d’interprétation des traités de bonne foi, selon le
ur sens originel, en fonction du contexte
existant au moment de leur négociation (article 31
de la Convention de Vienne), ainsi que des
coutumes de droit international relatives aux droit
s des personnes, n’ont pas été évaluées.
De nombreux accords bilatéraux contractés par la Fr
ance renferment des stipulations relatives
aux régimes matrimoniaux, à la filiation, à l’adopt
ion, au mariage, à l’acquisition de la
nationalité par mariage, par exemple, dont les effe
ts peuvent être très variés, selon l’objet de
l’accord et qui n’ont pas été envisagés dans l’étud
e d’impact.
2-2
. Le Conseil constitutionnel n’est certes pas juge
de la
conformité des lois aux
engagements internationaux
mais les auteurs de la saisine se doivent d’attire
r votre attention
sur le quatorzième alinéa du Préambule de la Consti
tution de 1946 qui dispose que
« la
1 Question AN n° 14720, 14
ème
législature
3
Paris le 23 avril 2013
République française, fidèle à ses traditions, se c
onforme aux règles du droit public
international »
.
Votre Conseil a précisément reconnu qu’au nombre de
ces règles figure la règle
Pacta sunt
servanda
qui implique que tout traité en vigueur lie les pa
rties et doit être exécuté par elles de
bonne foi
2
.
Il résulte de cet alinéa, et de l’article 55 de la
Constitution, qu’il appartient aux divers organes
de l’État – et notamment au Parlement – de veiller,
dans le cadre de leurs compétences
respectives, à l’application des conventions intern
ationales dès lors que celles-ci restent en
vigueur
3
.
2-3
. Le législateur ne saurait, sans méconnaître le qua
torzième alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946, adopter des dispositions légi
slatives qui violeraient manifestement les
conventions internationales auxquelles la France es
t partie. En effet, l’adoption par le
Parlement de la loi déférée, clairement et délibéré
ment contraire aux traités ou accords
internationaux en vigueur dans l’ordre interne, car
actérise la « mauvaise foi » du législateur
dans l’exécution des conventions internationales, e
t donc la méconnaissance du quatorzième
alinéa précité.
2-4.
En l’espèce,
la définition du « mariage » et de la filiation rés
ultant de la loi déférée
violent la règle
Pacta sunt servanda
qui a valeur supérieure aux lois. L’autorisation d
u «
mariage » en France entre personnes de même sexe do
nt l’un au moins sera ressortissant d’un
État ne reconnaissant pas la validité d’une union e
ntre « personnes de même sexe », n’est
donc pour les requérants pas compatible avec les en
gagements internationaux de la France.
2-5.
Il en est de même des accords multilatéraux ; ainsi
, la loi déférée méconnaît les articles
3-1 et 7-1 de la Convention internationale des droi
ts de l’enfant du 20 novembre 1989. Son
article 7-1, directement applicable en droit frança
is (Cass. 1ère civ., 7 avril 2006, n° 05-
11.285) stipule que «
L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a
dès celle-ci le droit à
un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dan
s la mesure du possible, le droit de
connaître ses parents et d’être élevé par eux
». Le terme « parents » visé par cet article ne
peut être interprété, « suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes » selon les règles
coutumières d’interprétation des traités internatio
naux et en vertu de l’article 31 de la
Convention de Vienne de 1969, que comme renvoyant a
u père et à la mère de l’enfant, c’est-
à-dire à ses parents qui lui ont donné la vie. Or,
l’adoption plénière de l’enfant du conjoint par
le « conjoint » de ce dernier, de même sexe que cel
ui-ci, aura pour effet de rompre le lien de
filiation biologique de l’enfant avec son père ou s
a mère par l’effet de transcription de la
décision d’adoption.
2-6.
Les auteurs de la saisine estiment ainsi que les di
spositions de la loi déférée violent
manifestement et de mauvaise foi les conventions in
ternationales auxquelles la France est
partie. Cette négligence est d’ailleurs de nature à
engendrer de multiples contentieux
internationaux et, plus globalement, une insécurité
juridique très préoccupante pour les
justiciables.
2 Décision n° 92-308 DC, cons. 7 ; décision n° 93-3
21 DC, cons. 36 et 37
3 Décision n° 93-321 DC, cons. 37
4
Paris le 23 avril 2013
3.
Sur la procédure
3-1
. Les requérants ont, à l’occasion des débats, démon
tré que la procédure législative
engagée par le Gouvernement pour discuter cette loi
était contraire à Constitution et à la
volonté du peuple souverain.
3-2.
Ainsi les requérants ont défendu une
motion tendant à proposer au Président de la
République de soumettre au référendum
le projet de loi, alors adopté par l’Assemblée
nationale, ouvrant le mariage aux couples de person
nes de même sexe. Celle-ci, tout comme
celle défendue préalablement par les Députés à l’As
semblée nationale,
a été rejetée tandis que
le pouvoir exécutif s’est réfugié derrière une dist
inction, parfaitement inconnue du droit
constitutionnel, entre les « questions sociales » e
t les « questions sociétales » pour prétendre
qu’une consultation populaire sur le texte, initiée
sur le fondement de l’article 11, serait
contraire à la Constitution.
3-3.
Alors même que le préambule de la Constitution de 1
946 range la « famille » dans le
chapitre social, et que le Conseil économique, soci
al et environnemental, auquel est consacré
le titre XI de la Constitution de 1958, comporte, e
n vertu de l’ordonnance n° 58-1360 du 29
décembre 1958, dix représentants des associations f
amiliales et statue fréquemment sur les
affaires familiales, des arguties ont servi de prét
exte pour refuser l’arbitrage populaire.
3-4. Le Gouvernement a donc persisté à soumettre un
texte aux effets sociaux
considérables à la seule procédure parlementaire or
dinaire
, alors que la Nation apparaît
extrêmement divisée sur cette question fondamentale
engageant son devenir. Le texte a
suscité, en effet, une très forte mobilisation de l
a société civile qui a abouti à la première
pétition constitutionnelle de la Vème République ré
unissant plus de 700 000 signatures
validées par le Conseil économique, social et envir
onnemental. De plus, de nombreuses et
importantes manifestations d’opposition à la loi dé
férée ont eu lieu à travers toute la France,
métropolitaine et ultra-marine et jusque devant les
ambassades de France à l’étranger.
3-5.
Les requérants estiment donc que c’est donc au Con
seil constitutionnel qu’il revient
désormais de donner la parole au peuple souverain e
n
jugeant que la loi déférée nécessite
une révision de la Constitution.
Sans doute l’article 89 de la Constitution permet-i
l indifféremment de soumettre un projet de
loi constitutionnelle au référendum ou au Congrès,
mais il est clair, compte tenu de la
rédaction de cet article, qui fait du référendum le
principe et du Congrès l’exception, que les
auteurs de la Constitution de 1958 n’ont conçu la r
évision par voie parlementaire que pour les
réformes portant sur des «
révisions mineures »
de notre charte fondamentale, la ratification
populaire s’imposant pour les révisions touchant à
l’essentiel
4
.
4.
Sur la définition du mariage
4 René Capitant, Écrits constitutionnels, CNRS, 198
2, p. 385
5
Paris le 23 avril 2013
Selon les requérants,
le mariage, tel que défini par le code civil, est u
n principe
fondamental reconnu par les lois de la République
, faisant
intégralement parti du
contrat social,
et ne pouvant être modifié par une loi simple
, au contraire de l’union civile
qui était proposée par les requérants.
4-1.
Les requérants estiment que
le mariage est un principe fondamental reconnu par
les lois de la République,
inscrit dans la tradition républicaine et inhérent
à l’identité
constitutionnelle de la France,
dans sa définition acceptée depuis 1804, comme le m
ariage est
l’union d’un homme et d’une femme en vue de constit
uer une famille. Par conséquent,
il a
valeur constitutionnelle.
En effet, pour les rédacteurs du code civil
5
, le fait que le mariage soit l’union d’un homme et
d’une femme relevait de l’ordre physique de la natu
re, commun à tous les êtres animés. Cela
ne relevait ni du droit naturel, qui est propre aux
hommes et à la base de nos lois civiles, ni
des lois positives, qui sont plus conjoncturelles.
C’était la conception du droit romain, c’est
celle du code civil
6
.
4-2.
Cette institution multiséculaire trouve entre autre
s ses
fondements dans la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu
i est le fondement de l’état de droit
dans notre pays
. Elle proclame que les hommes naissent libres et é
gaux en droits. De cette
affirmation découlent plusieurs conséquences. La pr
emière est que les droits de l’homme
s’enracinent dans le droit naturel et qu’ainsi le d
roit ne peut être bâti sur des constructions
virtuelles : le droit civil en particulier, celui d
e la famille avec ses éléments constitutifs (le
mariage et la filiation) ne peut prendre en considé
ration une entité artificielle où l’enfant ne
connaîtrait pas ses parents réels, père et mère, et
où la naissance, la filiation, la structure
familiale deviendraient des fictions. Cet enracinem
ent naturel du droit civil n’est nullement
contradictoire avec le fait que tous les êtres huma
ins soient égaux, qu’ils aient des droits
identiques.
4-3
. Mais
cette égalité ne peut nier les différences
, notamment sexuelles, qui font la
richesse de l’humanité. La différence naturelle ent
re les êtres humains explique que des
5 Discours préliminaire de Portalis sur le code civ
il
6 Aux députés qui voulaient ajouter lors de la réda
ction du code civil des formules du type « Le maria
ge est un
contrat civil par lequel un homme et une femme libr
es s’unissent pour la vie » (Lagrévol), ou « Le mar
iage est
un contrat civil qui unit pour vivre ensemble deux
personnes libres d’un sexe différent » (Lequinio),
il fut
répondu : « Rien n’est si inutile qu’une définition
parce que tout le monde sait ce que c’est que le m
ariage »
(Sedillez). Fixée en fonction de la puberté, la dif
férence d’âge nubile confirme que le mariage est év
idemment lié
à la procréation. La délibération du 22 août 1793
décrivait encore le mariage comme le contrat par le
quel «
l’homme et la femme s’engagent, sous l’autorité de
la loi, à vivre ensemble, et à élever les enfants q
ui peuvent
naître de leur union » (Fenet).
Comme le relevait le procureur général Baudoin dans
ses conclusions sur un arrêt de la Cour de cassati
on du 6
avril 1903 : « La condition essentielle du mariage,
c’est donc bien que les époux soit de sexe différe
nt : l’un, un
homme, l’autre, une femme. Et c’est si évident que
le code n’a même pas cru qu’il fut nécessaire de l’
exprimer
». Jean Carbonnier allait dans le même sens : « Le
code civil n’a pas défini le mariage, et il a eu ra
ison : chacun
sait ce qu’il faut entendre par là ; c’est la plus
vieille coutume de l’humanité et l’état de la plupa
rt des hommes
adultes ».
6
Paris le 23 avril 2013
constructions sociales et juridiques différentes (l
e mariage, le PACS, l’union civile) doivent
permettre d’arriver au même but : l’égalité de droi
ts.
La différence entre les sexes est fondatrice de la
société
et cette réalité naturelle ne peut
être niée au profit d’aberrations qui lui substitue
raient une orientation sexuelle particulière,
fruit du ressenti des individus. L’altérité sexuell
e est bien le fondement du mariage tel que le
contrat social de notre République le définit.
4-4. Cette conception n’a jamais été remise en cause
depuis 1804
puisque le mariage est
un principe fondamental reconnu par les lois de la
République. Depuis plus de deux siècles,
aucune loi n’a d’ailleurs touché à la définition du
mariage, à savoir l’union d’un homme et
d’une femme en vue de créer une famille. Ainsi, on
ne peut remettre en cause le mariage
qu’en vertu de la Constitution. C’est d’ailleurs, c
e qui s’est produit en Espagne ; la Cour
constitutionnelle espagnole a rendu un arrêt sur la
constitutionnalité du mariage homosexuel,
en jugeant que le mariage pouvait être modifié, éta
nt donné que la Constitution avait prévu
cette éventualité, par son article 32.
Toutefois, ce n’est pas le cas dans le droit frança
is, la pérennité et la constance de cette
institution lui confèrent dès lors une valeur const
itutionnelle.
Le législateur ne s’est jamais départi, jusqu’à auj
ourd’hui, du principe d’altérité des
sexes dans l’institution du mariage
, non pas parce qu’il se croyait libre de s’y ralli
er, mais
parce qu’il répondait à une exigence « constitution
nelle » au sens fort.
Si l’article 75 du code civil prévoyant que l’offic
ier de l’état civil
« recevra de chaque partie,
l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulen
t se prendre pour mari et femme
», et
l’article 144 du même code disposant que «
L’homme et la femme ne peuvent contracter
mariage avant dix-huit ans révolus
» ont vainement été contestés devant votre Conseil,
c’est
bien parce que ces dispositions se bornent à reconn
aître l’altérité sexuelle du mariage et que
celle-ci a fermement été rappelée par la Cour de ca
ssation qui affirme que «
selon la loi
française, le mariage est l’union d’un homme et d’u
ne femme
»
7
. L’impossibilité manifeste
d’y contrevenir, au sens des empêchements au mariag
e, est donc d’ordre public absolu, que le
mariage ait été célébré à l’étranger ou sur le sol
de la République.
Il ne fait donc absolument aucun doute que le princ
ipe selon lequel le mariage désigne
l’union d’un homme et d’une femme
est un principe de droit constamment « reconnu »,
depuis 1792, par les lois de la République et donc
intégré à notre « tradition républicaine ».
Ce méta-principe au cœur de la « constitution civil
e de la France » est donc inhérent à notre «
identité constitutionnelle ». Seule une révision co
nstitutionnelle expresse, voulue par le peuple
souverain, pourrait abattre une base fondamentale d
u contrat social des Français.
4-5.
L’institution du mariage relève ainsi de la
constitution sociale de la France
8
, à
laquelle on ne peut pas porter atteinte, sauf à mod
ifier véritablement le contrat social qui unit
tous les Français et dont relève le mariage.
7 Arrêt n°05-16627, 1ère chambre civile, 13 mars 20
07
8 Tel que le Doyen Duguit le concevait
7
Paris le 23 avril 2013
L’article 1er de la Constitution dispose que «
La loi favorise l'égal accès des femmes et des
hommes (...) aux responsabilités (...) sociales
». Le préambule de la Constitution de 1946
proclame, comme particulièrement nécessaires à notr
e temps, des principes « sociaux » au
nombre desquels figure celui selon lequel «
La Nation assure à l’individu et à la famille les
conditions nécessaires à son développement
». La famille est donc évidemment incluse dans
le sens constitutionnel du mot « social ». Or, l’in
stitution sociale qu’est le mariage implique
assurément des devoirs, effectivement consacrés par
le code civil, qui sont constitutifs d’une
responsabilité conjugale et parentale sévèrement sa
nctionnée par la loi.
Or la loi déférée favorise exactement l’inverse de
l’objectif consacré en 1999 puis en 2008 par
votre Conseil, en permettant d’évacuer la parité da
ns l’autorité et les responsabilités
parentales, sans autre justification que celle de l
a volonté de quelques adultes d’écarter la
personne de sexe opposée de l’entretien et de l’édu
cation des enfants.
Le droit constitutionnel libéral exige que la remis
e en cause des éléments essentiels d’un
régime politique ou du contrat social d’une société
donnée ne puisse se faire que par l’organe
investi du pouvoir constituant, selon une procédure
solennelle et avec l’assentiment soit du
peuple souverain soit d’une majorité renforcée des
représentants de la Nation
9
.
La Garde des sceaux a reconnu que la loi déférée es
t une « réforme de civilisation » tandis
que le Président de la République a admis que la «
liberté de conscience » des maires était en
jeu. Si, d’ailleurs, elle l’est pour eux, c’est que
ce texte l’est pour chaque citoyen. Ces
déclarations officielles montrent bien que l’on est
en présence d’un choix de société
absolument fondamental nécessitant l’adhésion entiè
re du peuple souverain.
4-6.
La Convention européenne des droits de l’homme, la
Déclaration universelle des
droits de l’homme, la Convention internationale sur
les droits de l’enfant de 1989 et les pactes
de Téhéran affirment tous que
le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.
Fidèle
d’ailleurs à cette tradition humaniste, la Républiq
ue a ratifié les grands textes internationaux
relatifs aux droits de l’homme qui corroborent le c
onsensus universel sur l’existence d’un
droit naturel humain s’imposant à tout législateur.
Cette acceptation nationale et internationale
est d’ailleurs
partagée par l’ensemble des
communautés religieuses
représentée sur notre territoire.
4-7.
Les requérants ajoutent que
l’article 34 de la Constitution
précise que la loi fixe les
règles concernant les régimes matrimoniaux, et non
le mariage.
L’article 1
er
de la loi
déférée est donc contraire à la Constitution. Les r
equérants se sont interrogés sur le fait de
savoir si le Gouvernement, doté du pouvoir réglemen
taire, était habilité à le modifier; leur
conclusion, à la lumière des développements exposés
préalablement, est négative. Par
conséquent, ce domaine relève bel et bien du droit
constitutionnel.
9
Hans Kelsen a d’ailleurs exposé, dans sa théorie d
ite « de l’aiguilleur », que lorsque le juge consti
tutionnel
constate qu’une loi ordinaire déroge à la Constitut
ion, il ne porte pas un jugement de valeur sur l’œu
vre du
législateur, mais se borne à indiquer qu’une telle
loi aurait dû être adoptée en la forme constitution
nelle, c’est-à-
dire selon les règles de compétence et de procédure
propres aux lois constitutionnelles. Cette considé
ration de
théorie juridique rejoint la souveraineté démocrati
que qui exige que les éléments essentiels du contra
t social
d’une nation ne puissent être changés par une simpl
e majorité passagère, mais qu’une telle responsabil
ité
revienne directement aux citoyens eux-mêmes ou, pou
r les remises en cause moins profondes, à une major
ité
renforcée de représentants exprimée, en régime bica
méral, dans les deux assemblées.
8
Paris le 23 avril 2013
Or, est souvent cité, de manière biaisée, la décisi
on du Conseil constitutionnel du 28 janvier
2011, qui permettrait au législateur d’ouvrir le ma
riage aux personnes de même sexe. C’est
sans doute ignorer votre interprétation du principe
d’égalité qui ne s’oppose ni à ce que le
législateur règle de façon différente des situation
s différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité
pour des raisons d’intérêt général. Cette décision
rendue par votre Conseil permettrait en
revanche de créer l’union civile que les requérants
ont proposé au cours des débats.
4-8. L’article 143 du code civil, issu de la loi déf
érée
, et qui méconnait ainsi le principe
fondamental reconnu par les lois de la République,
détourne l’institution du mariage à des
fins étrangères à l’union matrimoniale.
Procédant d’une qualification juridique
manifestement erronée et d’une dénaturation du sens
et la portée du mariage, il méconnaît
également l’objectif de valeur constitutionnelle d’
intelligibilité de la loi. Il porte enfin une
atteinte substantielle à la liberté des époux.
De plus, en changeant la définition du mariage et e
n affectant sa substance même, l’article 1er
de la loi déférée
dénature le contenu et détourne de ses fins une ins
titution à laquelle tous
les couples français mariés actuels ont consenti li
brement
. C’est, en effet, au terme d’un
choix entre plusieurs formules de vie commune obéis
sant chacune à des définitions et des
règles substantiellement différentes (concubinage,
PACS, mariage) que les hommes et
femmes actuellement mariés se sont engagés dans les
liens du mariage. L’article 1er de la loi
déférée affecte donc tous les mariages préalablemen
t contractés d’une erreur sur la qualité
substantielle de l’institution et donc d’un vice du
consentement.
Par cette dénaturation, l’article 1er viole ainsi l
a liberté du mariage qui découle des articles 2
et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du
citoyen de 1789 et porte atteinte au
principe d’intangibilité des contrats et convention
s légalement conclus ainsi qu’au droit au
maintien de leur économie, qui découle de l’article
4 de la même Déclaration.
4-9
. Enfin, l’article 1er de la loi déférée introduit d
ans le titre V du livre 1er du Code civil
un chapitre IV bis intitulé «
Des règles de conflit de lois
» dont l’article 202-1 dispose : «
Les
qualités et conditions requises pour pouvoir contra
cter mariage sont régies, pour chacun des
époux, par sa loi personnelle. Toutefois, deux pers
onnes de même sexe peuvent contracter
mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit
sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur
le territoire duquel elle a son domicile ou sa rési
dence le permet
».
Cette dernière disposition a donc pour effet d’intr
oduire, au profit du mariage de personnes de
même sexe, une
règle de conflit de lois différente de celle qui pr
évaut pour les mariages
de personnes de sexe différent.
En effet, en vertu de l’article 3 du Code civil : «
Les lois concernant l’état et la capacité des
personnes régissent les Français, même résidant en
pays étranger
». Sur ce fondement la
jurisprudence civile met traditionnellement en œuvr
e, s’agissant des mariages binationaux, la
règle du lieu de célébration pour les conditions de
forme et la règle d’application distributive
des lois nationales pour les conditions de fond, da
ns le but de favoriser l’harmonie
internationale des solutions et la continuité de tr
aitement des situations juridiques.
À la différence de ce droit commun, les personnes d
e même sexe pourront donc se marier
alors même que la loi nationale de l’un d’entre eux
l’interdit, dès lors que l’autre époux a son
domicile ou sa résidence en France ou dans un autre
pays admettant le mariage homosexuel.
9
Paris le 23 avril 2013
La loi déférée fait donc échec à l’application dist
ributive qui prévaut pour les couples de sexe
opposé, introduisant ainsi une discrimination dans
les règles de conflits de lois. Cette
dérogation sera cependant privée d’effet lorsqu’une
convention bilatérale comporte des
dispositions contraires, ce que la loi contestée om
et de préciser.
Non seulement contraire au principe d’égalité devan
t la loi, la discrimination ainsi réalisée
aura d’abord pour effet d’inciter des étrangers à c
ontourner les empêchements de leur loi
nationale, transformant ainsi la France en un attra
ctif lieu de tourisme matrimonial alors
pourtant que la jurisprudence de la Cour de cassati
on combat aussi bien la fraude à la loi
étrangère que la fraude à la loi française
10
. Elle favorisera également l’augmentation des «
mariages blancs » destiné à frauder la législation
sur l’entrée et le séjour en France et sur la
nationalité. Enfin, la loi déférée va déboucher sur
une multiplication des « mariages boiteux »
valables dans un pays et nuls dans l’autre. La règl
e de conflits de loi posée par l’article 1er de
la loi déférée est donc contraire au principe const
itutionnel d’égalité devant la loi et à la
sécurité juridique.
Les requérants relèvent qu’avec le dispositif de l’
article 1
er
de la loi déférée, il y aura en
réalité désormais au moins trois catégories de mari
ages vis-à-vis des enfants survenus dans un
foyer : celui où le mari devient père par la mise e
n jeu de la présomption de paternité,
conformément au code civil, celui où la compagne de
la mère devient parent par un jugement
d’adoption, l’enfant étant le fruit, par exemple, d
’une assistance médicale à la procréation à
l’étranger, celui où le compagnon du père se voit r
efuser toute parenté, car l’enfant que les
deux membres du couple ont voulu ensemble ne pout ê
tre le fruit que d’une gestation pour
autrui, condamnée aujourd’hui par la France.
5.
Sur les dispositions relatives à la filiation adopt
ive
5-1-1.
Les articles 7, 8
de la loi déférée ont pour objet et pour effet de p
ermettre l’adoption
d’enfants, selon le régime de l’adoption simple ou
plénière, par des partenaires de même sexe
«
mariés
» selon la nouvelle définition de l’article 1
er
de la loi déférée.
L’exposé des motifs de la loi indique clairement le
lien entre le mariage et l’adoption :
« Tel
est l’objet du présent projet de loi qui ouvre le d
roit au mariage aux personnes de même sexe
et par voie de conséquence l’accès à la parenté à c
es couples, via le mécanisme de
l’adoption. (...) Le mariage de personnes du même sex
e leur ouvrant le droit à l’adoption,
que ce soit l’adoption conjointe d’un enfant ou l’a
doption de l’enfant du conjoint »
.
5-1-2.
Selon les requérants,
ces articles violent trois principes fondamentaux r
econnus
par les lois de la République :
le droit au respect de la vie privée et familiale,
l’obligation du
législateur d’assurer à l’individu les conditions n
écessaires à son développement ainsi que la
dignité de la personne et le principe d’égalité. En
fin, ils entachent la loi déférée
d’incompétence négative et portent atteinte à l’obj
ectif constitutionnel d’intelligibilité et de
prévisibilité de la loi.
10
Civ. 1ere, 17 mai 1983, Soc. Lafarge
10
Paris le 23 avril 2013
5-2-1
. Parmi les
« droits naturels et imprescriptibles de l'Homme »
figure le principe, dont
s’inspirent de nombreuses dispositions du code civi
l, d’altérité des sexes inhérente à la
filiation. De cette origine sexuée de la filiation,
la cour de Cassation fait, très justement, un
«
principe essentiel du droit de la filiation françai
se »
11
.
Ainsi, en privant l’enfant de son droit à connaître
ses origines, et, plus précisément, à voir sa
filiation inscrite dans une branche paternelle et u
ne branche maternelle,
la loi déférée porte
gravement atteinte au principe à valeur constitutio
nnelle de la filiation bilinéaire fondée
sur l’altérité sexuelle.
En particulier, la loi déférée a cet effet direct,
en ouvrant l’adoption à
des « couples » de personnes de même sexe, de prive
r l’enfant adopté, tantôt du droit à une
filiation maternelle tantôt du droit à une filiatio
n paternelle.
5-2-2.
Parmi ces
« droits naturels et imprescriptibles de l'Homme »
figure également le
principe, dont s’inspirent les articles 203 et 204
du code civil, selon lesquels l’enfant détient le
droit d’être nourri, entretenu et élevé par ses pèr
e et mère. Ce droit subjectif de l’enfant à une
créance d’éducation, dont les deux parents qui lui
ont donné la vie sont les débiteurs est un
engagement qui se forme, sans convention au sens de
l’article 1370 du code civil, car il
découle directement des articles 2 et 17 de la Décl
aration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789.
Le préambule de 1946, auquel renvoie le préambule d
e la Constitution de 1958, proclame
«
comme particulièrement nécessaires à notre temps, l
es principes (...) sociaux
» parmi
lesquelles
« La Nation assure à l'individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur
développement » et « Elle garantit à tous, notammen
t à l'enfant, à la mère (...) la protection
de la santé, la sécurité matérielle, le repos et le
s loisirs. Tout être humain qui, en raison de
son âge (...) a le droit d'obtenir de la collectivité
des moyens convenables d'existence ».
Votre Conseil a d’ailleurs déjà dégagé, de cette se
ule mention de « la famille », la
reconnaissance d’un
« droit de mener une vie familiale normale »
12
. Ainsi, il a été admis que
« doit être regardé comme subvenant effectivement a
ux besoins de son enfant le père ou la
mère qui a pris les mesures nécessaires, compte ten
u de ses ressources, pour assurer
l'entretien de celui-ci. Toute autre interprétation
méconnaîtrait le droit des intéressés à mener
une vie familiale normale »
13
.
Ainsi, la reconnaissance de la protection de « l’en
fant », de « la mère » et de la « la famille »
impliquent la consécration des droits de l’enfant.
C’est pourquoi, en privant l’enfant, en dehors de t
oute circonstance indépendante de l’état
(telle que résultant du décès d’un de ses parents)
de son droit à mener une vie familiale
normale avec son père et sa mère, et de son droit c
orrélatif d’être nourri, entretenu et élevé par
les deux parents qui lui ont donné la vie,
la loi déférée porte gravement atteinte au
principe à valeur constitutionnelle du droit de l’e
nfant à être nourri, entretenu et élevé
par sa mère et son père
.
11
Cass. civ 1ère, 7 juin 2012, pourvoi n°11-30261
12
Décision n° 93-325 DC
13
Décision n° 97-389 DC
11
Paris le 23 avril 2013
5-3-1. En établissant une filiation à l’égard de deu
x parents de même sexe
,
en dépit de
leur impossibilité physiologique de procréer
, la loi déférée favorise la conception d’enfants
par procréation médicalement assistée (PMA) et gest
ation pour autrui (GPA) en fraude à la loi
française.
L’absence dans le texte de loi de toute disposition
relative à la procréation PMA et à la
GPA prive la loi de cohérence en refusant de traite
r des questions de fond qui se présentent
pourtant immédiatement, logiquement et nécessaireme
nt.
L’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe, pr
évue par la loi déférée comme
conséquence mécanique du mariage de ces personnes,
pose nécessairement la question du
recours à l’assistance médicale à la procréation po
ur les couples de femmes et à la gestation
pour autrui pour les couples d’hommes, sous peine d
e rester inappliquée.
En l’état, la mise en œuvre de la possibilité de l’
adoption de l’enfant du conjoint de même
sexe passe, le plus souvent, par le contournement d
e la loi française relative à la PMA et à la
GPA à l’étranger.
Par conséquent, admettre la possibilité d’adopter l
’enfant du conjoint de même sexe exige de
traiter simultanément les aspects relatifs à l’assi
stance médicale à la procréation et à la
gestation de façon explicite, ce qui n’est pas fait
par la loi déférée.
La loi déférée viole ainsi les garanties légales de
la bioéthique imposées par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel afin d’ass
urer le respect de la dignité de la
personne humaine.
5-3-2.
En effet, en permettant l’adoption de l’enfant d’un
e personne par son « conjoint » de
même sexe, la loi déférée est en réalité incohérent
e avec la législation réglementant la PMA et
interdisant la GPA. En négligeant de prendre en com
pte la portée des dispositions qu’il édicte,
au regard de l’environnement juridique, et en s’abs
tenant de modifier ou d’adapter les
dispositions pertinentes, le législateur méconnaît
ainsi sa compétence au regard de l’article 34
de la Constitution.
Or, dans la décision n° 94-343/344 DC, votre Consei
l s’est précisément appuyé sur un cadre
strict posé par le législateur : d’abord, la condit
ion que
la PMA ait pour objet soit de remédier
à une infertilité de l’homme ou de la femme formant
le couple, dont le caractère pathologique
a été médicalement diagnostiqué, soit d'éviter la t
ransmission à l'enfant d'une maladie d'une
particulière gravité ; s’y ajoute la condition que
l'homme et la femme en couple soient vivants,
en âge de procréer, stables, et consentent préalabl
ement au transfert des embryons ou à
l'insémination. En outre, votre Conseil a aussi rel
evé que la PMA avec « tiers donneur » ne
peut être pratiquée que comme « ultime » indication
lorsque la procréation médicalement
assistée à l'intérieur du couple ne peut aboutir.
Le détournement de l’ordre public français par la l
oi déférée est encore plus flagrant avec
l’hypothèse où un « couple » d’hommes se sera rendu
à l’étranger pour obtenir la naissance
d’un enfant au moyen d’une GPA rigoureusement inter
dite en France
. En effet, l ’article 16-1
du code civil consacre le principe d’indisponibilit
é du corps humain, fonde sa non-
patrimonialité et trouve son prolongement naturel d
ans l’article 16-7 du code civil qui prohibe
toute convention portant sur la procréation ou la g
estation pour autrui sous peine de sanction
pénale.
La loi déférée
a donc pour effet de valider des PMA ou des GPA ant
érieures réalisées en
fraude et d’encourager des PMA ou GPA futures,
délibérément réalisées en détournement du
12
Paris le 23 avril 2013
code civil et du code de la santé publique, au moti
f d’un droit à l’enfant qu’auraient tous les
couples, ce qui est un contre-sens éthique au regar
d des règles imposées par le législateur.
Ainsi, la loi déférée porte atteinte à l’objectif d
’intelligibilité de la loi et au principe de
sécurité juridique
.
5-4-1.
Selon les requérants, l’article 7 de la loi déféré
e
viole incontestablement le principe
d’égalité entre les enfants adoptés
par les personnes de même sexe et les autres enfan
ts.
Ainsi que le relève votre Conseil
14
dans «
certains cas, la loi reconnait une filiation juridi
que
qui n’est pas génétique ou biologique et interdit a
lors la recherche de la filiation
biologique.
»
Toutefois, le droit français garantit à chaque cito
yen la possibilité d’établir une filiation
bilinéaire et bisexuée, tant en vertu du titre VII,
que du titre VIII du livre 1
er
du code civil. En
effet, si la loi ne peut garantir à chaque enfant d
e voir sa filiation concrètement matérialisée
dans chacune des lignées paternelle et maternelle,
elle affirme que
l’enfant s’inscrit dans ce
double lignage.
La loi interdit ainsi d’établir une double filiati
on paternelle ou maternelle qui
ferait obstruction à l’autre branche. Ce principe e
ssentiel commande l’ensemble du droit de la
filiation
15
y compris la filiation adoptive
16
.
Or, en application de
l’article 6-1 nouveau
du code civil, définit par la loi déférée, le
législateur opère une distinction entre la filiatio
n, résultant du titre VII du livre premier du
code civil, qui est bilinéaire et fondée sur l’alté
rité sexuelle, comme l’énonce l’article 310
dudit code, et celle résultant du titre VIII précit
é, qui pourra dans certains cas être unisexuée.
Conscient de la différence physiologique existant e
ntre les couples de sexes différents et les
couples de même sexe,
le législateur a admis l’impossibilité objective de
l’application des
dispositions de droit commun du titre VII précité a
ux époux ou parents de même sexe
,
leurs enfants étant privés de fait d’un certain nom
bre de droits.
En revanche,
le législateur a permis l’adoption plénière desdits
enfants
, sans tenir compte
de la même impossibilité objective d’engendrement d
u couple formé selon l’article 1
er
de la
loi déférée,
enfermant par là-même ces enfants dans un statut ir
réfragable et
irrévocable, les mettant en marge du cadre fondamen
tal d’une filiation bilinéaire et
bisexuée.
En effet,
les enfants adoptés par deux personnes de même sexe
seront définitivement
inscrits dans une filiation unisexuée
. Cette filiation ne pourra, dès lors, être pensée
comme
la marque possible d’un engendrement pourtant indis
pensable à l’inscription de l’enfant au
sein des générations, droit inaliénable et imprescr
iptible de l’homme.
5-4-2. Cette exigence, selon laquelle la filiation a
doptive inscrit l’enfant dans une
filiation bilinéaire et bisexuée
, fonde les règles d’état civil, qui prévoient que
la décision
d’adoption plénière tient lieu d’acte de naissance
et est transcrite sur les registres de l’état
civil du lieu de naissance de l’adopté en ne compor
tant aucune indication sur la filiation
14
Commentaire de la décision 2011-173 QPC du 30 septemb
re 2011
15
En vertu de l’article 320 du Code civil, la filiati
on légalement établie fait obstacle à l'établisseme
nt d'une autre filiation
qui la contredirait, tant qu'elle n'a pas été conte
stée en justice
16
Cass. Civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 11-30261
13
Paris le 23 avril 2013
biologique de l’enfant mais en garantissant la pla
ce, le cas échéant laissée vacante, de
chacune des deux branches paternelle et maternelle.
C’est en considération de cette
complétude que l’adoption plénière empêche l’établi
ssement de toute autre filiation.
Or l’adoption plénière au sein d’un couple de même
sexe ne peut matériellement remplir cette
condition. Elle prive l’enfant d’une de ses branche
s paternelle ou maternelle alors que dans
certains cas, ces dernières auraient pu être établi
es en vertu des dispositions du titre VII du
livre premier de code civil qui, par leurs effets c
ombinés, assurent un équilibre entre les
réalités biologiques et sociologiques de la filiati
on en ses deux branches paternelle et
maternelle.
5-4-3. L’enfant ainsi adopté en la forme plénière
par un couple de même sexe perd les
garanties offertes par le droit commun à l’ensemble
des enfants. Le dispositif ainsi mis en
place conduit en réalité à satisfaire une revendic
ation d’égalité entre adultes au détriment de
l’égalité entre enfants. Certains se voyant imposés
une
« parenté sociale »
exclusive, contraire
par essence à la filiation bilinéaire et bisexuée.
Le législateur consacre donc la volonté d’adultes d
e s’affranchir de toutes références à la
procréation pour avoir un droit à l’enfant et s’app
roprier l’enfant afin d’établir à son égard un
lien de filiation qui fasse délibérément obstacle à
la vraisemblance biologique.
Ainsi, en permettant l’adoption plénière par des co
uples de même sexe, le législateur
méconnait l’intérêt général et notamment l’intérêt
de l’enfant. Cette réification de l’enfant est
contraire au principe de dignité humaine et à la di
stinction fondamentale des choses et des
êtres dans une société libre et démocratique ; ce f
aisant «
il prive de garanties légales des
exigences constitutionnelles
»
17
, réaffirmée dans plusieurs décisions rendues par v
otre
Conseil
18
.
5-4-4.
Certes, «
le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas
à ce que le législateur
règle de façon différente des situations différente
s, pourvu que la différence de traitement qui
en résulte soit en rapport direct avec l’objet de l
a loi qui l’établit
»
19
, toutefois, en l’espèce,
la
différence de traitement imposée par le législateur
qui prévoit l’adoption plénière par des
couples de même sexe
n’est justifiée par aucune différence de situation
entre les enfants
concernés,
et n’est pas en rapport avec l’objet de la loi qui
l’établit.
En effet, cet objet qui est le droit consenti aux c
ouples de même sexe de se marier et la
possibilité d’établir une filiation adoptive n’impo
sait pas de retenir le mécanisme de
l’adoption plénière et pouvait être pleinement sati
sfait par celui de l’adoption simple.
5-5-1.
Les requérants estiment
que l’article 7
de la loi déférée instaure une
rupture profonde
d’égalité
entre enfants en attente d’adoption.
17
N° 2011-173 QPC
18
Décision n° 94-343 /344 DC du 27 juillet 1994 relat
ive à la loi « Bioéthique », le Conseil constitutionn
el a élevé au rang
de principe à valeur constitutionnelle «
la sauvegarde de la dignité de la personne humaine
contre toute forme
d’asservissement et de dégradation.
»
19
Décision n° 2012-656 DC
14
Paris le 23 avril 2013
vraisemblance de la filiation devient inopérante et
la signification de ces concepts devient
douteuse et imprévisible, ce qui nuit au principe d
’égalité.
7-5
. Alors que les requérants ont démontré que les modi
fications de l’article 1
er
du la loi
déférée sont de nature constitutionnelle, les dispo
sitions ainsi introduites par l’article 13 le
sont tout autant puisqu’elles modifient le droit de
la filiation comme il vient d’être démontré.
Les requérants demandent donc la censure de l’artic
le 13, en tant que disposition
inintelligible.
8.
Sur le recours au recours aux ordonnances
8-1. Les requérants s’interroge sur le bien-fondé de
l’utilisation de l’article 38 de la
Constitution
, car en l’espèce, le texte de
l’article 14 de la loi déférée
habilite le
Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur
une série de textes qui n’ont pas été
visés par la loi déférée que le Parlement a examiné
e.
Avec la procédure ainsi choisie, le Gouvernement au
ra la possibilité de légiférer sur des sujets
qui touchent aux fondements mêmes de notre organisa
tion sociale.
8-2.
Même si les requérants connaissent les contours de
l’article 38 de la Constitution qui a
introduit des conditions très strictes pour encadre
r le recours aux ordonnances, ils restent
néanmoins hostiles à cette méthode pour le sujet t
raité puisque celui-ci relève, comme ils
l’ont démontré préalablement, d’un principe fondame
ntal reconnu par les lois de la
République, étant à la base du contrat social de l’
Etat, que seule une révision constitutionnelle
pouvait modifier.
8-3.
De plus, cette habilitation est issue d’un amendeme
nt gouvernemental déposé durant
l’examen du texte par la commission des lois du Sén
at. Le Gouvernement a motivé le recours
à l’ordonnance en affirmant qu’elle permettrait «
la modification exhaustive de toutes les
dispositions législatives devant faire l’objet d’un
e mesure de coordination, afin de tirer
l’ensemble des conséquences de l’ouverture du maria
ge et de l’adoption aux couples de
même sexe
» et il a ajouté que cette ordonnance
« a pour objet de répondre à l’exigence
constitutionnelle d’accessibilité et de l’intelligi
bilité qui ne peut être effective que si les
citoyens ont une connaissance suffisante des normes
qui leur sont applicables ».
Si le Gouvernement a le monopole de l’initiative en
matière d’habilitation, votre Conseil a
cependant admis que «
il a la faculté de le faire en déposant soit un pro
jet de loi, soit un
amendement à un texte en cours d’examen
».
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et
la loi organique n° 2009-403 du 15 avril
2009 relative à l’application de l’article 39 de la
Constitution prévoient que : «
Les
dispositions des projets de loi par lesquelles le G
ouvernement demande au Parlement, en
application de l’article 38 de la Constitution, l’a
utorisation de prendre des mesures par
ordonnances sont accompagnées, dès leur transmissio
n au Conseil d’État, des documents
visés aux deuxième à septième alinéas et à l’avant-
dernier alinéa de l’article 8. Ces
documents sont déposés sur le bureau de la première
assemblée saisie en même temps que les
projets de loi comprenant les dispositions auxquell
es
ils se rapportent
».
19
Paris le 23 avril 2013
De plus, votre Conseil juge de façon constante que
l’article 38 de la Constitution «
fait
obligation au Gouvernement d’indiquer avec précisio
n au Parlement, afin de justifier la
demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’
il se propose de prendre par voie
d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention
»
20
.
Le Conseil exige du Gouvernement, lorsqu’il sollici
te l’habilitation du Parlement qu’il
indique avec précision à ce dernier la «
finalité des mesures qu’il se propose de prendre
» (n°
76-72 DC ; n° 2004-506 DC ; n° 2009-584 DC). De mêm
e le Gouvernement doit faire
connaître au Parlement le «
domaine d’intervention
» des ordonnances qu’il se propose de
prendre (n° 86-207 DC ; n° 2006-534 DC ; n° 2009-57
9 DC ; 2010-618 DC).
8-4.
C’est ainsi que l’emploi de l’expression «
ensemble des dispositions législatives en
vigueur à l’exception de celles du code civil
» employée à l’article 14 de la loi déférée est
beaucoup trop vague quant au champ d’application lé
gislatif concerné, quant au domaine
d’intervention des ordonnances, ce que n’éclaire nu
llement l’exposé des motifs de
l’amendement gouvernemental déposé devant le Sénat.
Ainsi, le domaine législatif concerné
peut être le plus large qui soit, en couvrant toute
la législation sociale, fiscale, le droit de la
fonction publique, sans que la demande d’habilitati
on ne vienne préciser le champ des
dispositions concernées. Cette imprécision est d’ai
lleurs autant génératrice d’incompétence
négative du législateur que contraire aux principes
constitutionnels de l’habilitation de
l’article 38 de la Constitution. En toute hypothèse
, aucune urgence ne justifie, en ce domaine,
le recours à la procédure des ordonnances de l’arti
cle 38 de la Constitution.
8-5.
Les requérants constatent donc que la procédure ain
si énoncée par la loi organique et
les obligations issues de la jurisprudence de votre
Conseil n’ont en rien été respectées à
l’occasion de la discussion parlementaire de ce tex
te et qu’en conséquence
l’habilitation
ainsi accordée est contraire à toutes les exigences
constitutionnelles, et donc à l’article 38
de la Constitution.
9.
Sur les dispositions relatives à l’outre-mer
9-1.
En étendant les dispositions de la loi déférée aux
collectivités outre-mer,
à l’article 22,
sans avoir consulté préalablement les assemblées dé
libérantes de ces collectivités, la loi
déférée viole les articles 74 ou 77 de la Constitut
ion.
9-2.
Les dispositions de la loi déférée relèvent de mati
ères mixtes par leurs effets directs et
certains sur les compétences exclusives transférées
à la Nouvelle-Calédonie, que ce soit en
matière de cohérence avec les rapports juridiques l
iés au statut civil coutumier (articles 75 de
la Constitution, 9 et 22, 5°, de la loi organique n
° 99-209 du 19 mars 1999), de conservatoire
et d’enseignement des langues kanaks (articles 75-1
de la Constitution et 215 de la loi n°99-
209 précitée), de protection sociale et de la prot
ection de l'enfance (article 21, 4° et 18°, de la
loi n°99-209 précitée).
20
N° 99-421 DC du 16 décembre 1999
20
Paris le 23 avril 2013
Or, le législateur ne pouvait se prévaloir du carac
tère de compétence souveraine de l’Etat en
matière d’
« état des personnes »
pour éluder tout droit de l’assemblée délibérante
de la
Nouvelle-Calédonie à être consultée.
9-3.
La loi déférée est donc affectée d’un détournement
de procédure en profitant, d’une
part, de son applicabilité de plein droit au prétex
te qu’elle ressortirait de l’état des personnes
(loi n°70-589 du 9 juillet 1970), alors qu’elle bou
leverse tant les règles locales, qui sont
dépendantes du mariage, de la filiation ou de l’ado
ption, que le sens du « mariage » reçu dans
les langues kanaks, et, d’autre part, d’une impréci
sion dans la loi statutaire de la Nouvelle-
Calédonie, alors qu’elle impacte un nombre considé
rable de lois de pays de la Nouvelle-
Calédonie et aurait relevé de l’entière compétence
de la Nouvelle-Calédonie à quelques mois
près.
Ce détournement est d’autant plus avéré qu’il resso
rt de l’article 14, que le Gouvernement est
autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesure
s relevant du domaine de la loi permettant
de rendre applicables, «
avec les adaptations nécessaires
», les dispositions de la loi déférée
en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, dans le
s îles Wallis et Futuna, Mayotte.
La loi déférée fait ainsi d’elle-même la preuve que
des «
adaptations
» s’avèrent bien
« nécessaires ».
9-4.
Le Conseil d’Etat estime d’ailleurs que, lorsqu’un
texte du Gouvernement, étendu
outre-mer, ne se borne pas à une extension pure et
simple d’un dispositif législatif
métropolitain mais prévoit des règles particulières
pour les mettre en œuvre, il y a
«
adaptation
» au sens des articles L.O. 6213-3, L.O. 6313-3, L
.O. 6413-3 et L. 3444-1 du
code général des collectivités territoriales.
9-5.
Les requérants reprochent la même manœuvre du légis
lateur à l’égard des autres
collectivités à statut particulier (Wallis et Futun
a, Polynésie française, Mayotte).
10.
Sur les dispositions constituant des cavaliers légi
slatifs
10-1.
Les requérants considèrent que
les articles 16, 17, 18 et 19
de la loi déférée sont à
considérer comme des cavaliers législatifs puisqu’i
ls concernent des dispositifs du code des
pensions civiles et militaires de retraire, du code
rural et de la pêche maritime, du code de la
sécurité sociale et du code du travail.
10-2.
De plus, les dispositions énumérées précédemment on
t un caractère financier qui ne
relève pas de la loi déférée mais d’une loi de fina
nces et d’une loi de financement de la
sécurité sociale. Les requérants estiment aussi que
les dispositions invoquées, ainsi que toutes
les conséquences indirectes que le texte de la loi
déférée entraine, étant de nature financières
nécessitent à tout le moins une évaluation financiè
re.
10-3
. C’est pourquoi, ces dispositions constituent, en t
out état de cause, des « cavaliers», en
méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de
la Constitution. La loi déférée a en effet
pour objet de modifier le code civil. Pour ces rais
ons, les requérants demandent la censure de
ces articles.
21
Paris le 23 avril 2013
11.
Sur la rétroactivité de la loi
11-1.
L’article 21
de la loi déférée tend à faire produire des effets
entre les époux et les
enfants à des mariages conclus entre personnes de m
ême sexe, célébrés avant l'entrée en
vigueur de la loi.
Le texte pose le principe de la rétroactivité de la
loi nouvelle aux
mariages conclus en contrariété avec la loi françai
se ancienne
, afin de valider ces
mariages,
créant ainsi une insécurité juridique manifeste, se
lon la jurisprudence du
Conseil Constitutionnel.
Ainsi, la jurisprudence de votre Conseil a évolué e
n faisant une place plus grande à la sécurité
juridique à travers la protection de la garantie de
s droits qui résulte de l'article 16 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789
. Depuis la décision
n° 2005-530 DC
du 29 décembre 2005 sur la loi de finances pour 200
6, votre Conseil a jugé «
qu'il est à tout
moment loisible au législateur, statuant dans le do
maine de sa compétence, de modifier des
textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur subs
tituant, le cas échéant, d'autres
dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toute
fois priver de garanties légales des exigences
constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaî
trait la garantie des droits proclamée par
l'article 16 de la
Déclaration de 1789
s'il portait aux situations légalement acquises un
e
atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intér
êt général suffisant
». La notion d'intérêt
général «
suffisant
» indique en l’espèce un contrôle renforcé sur les
motifs invoqués pour
justifier la rétroactivité ou la remise en cause pa
r la loi de situations légalement acquises.
11-2.
Or,
la disposition de l’article 21, par sa généralité,
semble s’appliquer à tous les
mariages conclus entre personnes de même sexe avant
l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle
. Pourtant, elle indique, pour la transcription de
l’acte de mariage sur les registres de
l’état civil français, qu’il sera fait application
des articles 171-5 et 171-7 du Code civil. Or,
ces deux dispositions sont comprises dans une secti
on du Code civil consacrée exclusivement
aux mariages célébrés à l’étranger intitulée «
Section III De la transcription du mariage
célébré à l’étranger par une autorité étrangère
».
11-3.
En ce
qu’elle ne précise pas qu’elle concerne uniquement
les mariages célébrés à
l’étranger
, la
disposition déférée contrevient au principe constit
utionnel de clarté et
d’intelligibilité de la loi
. En effet, selon votre Conseil, «
il incombe au législateur d’exercer
pleinement la compétence que lui confie la Constitu
tion et, en particulier, son article 34. Le
plein exercice de cette compétence, ainsi que l’obj
ectif de valeur constitutionnelle
d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui
découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la
Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dis
positions suffisamment précises et des
formules non équivoques
»
21
.
La loi nouvelle instituant le mariage entre personn
es de même sexe doit permettre de valider
rétroactivement les mariages célébrés, avant son en
trée en vigueur, en contrariété avec la loi
ancienne.
Si le législateur peut prévoir des dispositions rét
roactives, notamment dans le
but de valider des conventions ou des contrats de d
roit privé, il est soumis à des
conditions strictes reconnues par votre Conseil.
21 N° 2011-644 DC, n° 2012-649 DC
22
Paris le 23 avril 2013
Ainsi, la validation doit répondre à un motif suffi
sant d’intérêt général et la portée de la
validation doit être strictement définie
22
.
Or, l’article 21 vise à régulariser des situations
acquises illégalement et jugées illégales sous
l'empire de la loi antérieure. A aucun moment, le l
égislateur n’a précisé pour quels motifs, la
validation de conventions conclues en fraude de la
loi, serait nécessaire.
L’étude d’impact est d’ailleurs muette sur ce point
, en particulier lorsqu’elle envisage les «
Difficultés juridiques rencontrées s’agissant des s
ituations nées à l’étranger
».
Selon les requérants, il ne saurait donc y avoir d’
intérêt général suffisant à valider
rétroactivement des mariages
volontairement célébrés à l’étranger afin d’échappe
r à la loi
française.
11-4.
De plus, cet article 21, qui permet la reconnaissan
ce en France des effets du mariage
entre personnes de même sexe contracté avant l'entr
ée en vigueur de la loi, n’a pas seulement
pour objet de valider des mariages ainsi célébrés à
l’étranger, il va également permettre au
mariage de produire
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