Quelle est votre expérience personnelle lors d'une transaction immobilière
Déjà publié sur Economie Matin
« Mardi 21 septembre 2021
Chère Madame, Suite à l’envoi de la procuration adressée à Madame XXX, je vous confirme que celle-ci m’a fait part, par retour de mail, de son refus de signer et de consentir à cette vente. Aussi, le délai de validité de la promesse de vente étant expiré, celle-ci se trouve frappée de caducité. Il convient que je puisse restituer à votre fils la somme versée à titre de dépôt de garantie. Votre bien dévoué… »
Comment le premier projet immobilier de mon fils Louis en est-il arrivé à cette extrémité délirante, alors qu’un exceptionnel alignement de planètes promettait une issue heureuse ?
Ainsi s’achèvent 5 mois, du 20 mai au 20 septembre 2021, passés de la jubilation au dégoût par la grâce d’une Tatie Danielle tenancière omnipotente de l’immeuble jadis familial, d’un intermédiaire, son fils, directeur d’agences d’un célèbre réseau national et d’un notaire partenaire habituel des dites agences. Quant à la mystérieuse vendeuse la promettante enseignante, fille de Tatie Danielle, interdit de la joindre « Ma fille, c’est moi ! » assène sa mère. « Elle n’y connait rien » soutient son frère l’agent immobilier. Je n’en saurai pas plus.
La passion
Mon fils Louis m’avait donné procuration pour gérer de A à Z son premier achat immobilier. 10 ans dans la négociation immobilière m’avaient donné un peu de discernement.
Au bout d’un an de recherches intensives, diagnostics techniques reçus, la décision d’achat au prix et sans condition suspensive de ce 3 pièces dans le quartier convoité fut immédiate. La visite virtuelle et le directeur d’agence achevaient de me convaincre que c’était « l’affaire du siècle ». Je ne pouvais rêver mieux comme source d’information qu’un agent immobilier né dans l’immeuble ! De plus, ce bien revenait à peine sur le marché après un premier échec. En principe tout était prêt pour qu’en moins de 2 mois, Louis soit l’heureux propriétaire d’un spacieux T3 « coup de cœur » dans l’ancien.
Il faut savoir qu’avant cet immeuble décrit « sans problèmes », j’éliminais d’office les biens dans les copropriétés -même prestigieuses- mal entretenues.
Bref, jusqu’à la signature de la promesse chez le notaire un mois plus tard, je n’avais aucune raison d’imaginer dans quel panier de crabes j’allais me fourvoyer…
Sans le savoir, j’avais désigné le notaire voisin immédiat de l’agence habitué à une collaboration fréquente et amicale avec son directeur. Cet officier ministériel m’avait été chaudement recommandé par des amis pour son efficacité.
Je n’allais pas tarder à dégringoler de mon nuage. Comment concevoir que des professionnels certifiés mentiraient et dissimuleraient intentionnellement des informations obligatoires ? Naïvement, j’excusais encore l’agence et l’office notarial d’avoir dû contacter moi-même les successeurs des notaires et géomètres de la donation- partage dont était issu ce bien afin d’obtenir le règlement de copropriété avec les lots.
La promesse
Ce fut le seul document annexé à l‘acte ce 23 juin ! Volatilisé le « syndic bénévole » annoncé. Et par conséquent, organisation inexistante, rien sur la copropriété, ni comptabilité, ni diagnostic technique obligatoires, ni carnet d'entretien de l'immeuble 1925, ni facture de travaux… Selon l’acte authentique, il n’existait rien… (malgré une étrange avance de charges de 103,85 €/ mois). La fiche synthétique du registre national des copropriétés n° AF9-975- du 28 février 2020 était spectaculairement vide !
Également disparue sans commission, l’intermédiation de l’agence pourtant déterminante dans la décision d’achat, emportant avec elle la caution professionnelle contre les vices cachés (connus de la bande et que je flairais).
Néanmoins, pas question d’hésiter sous peine de voir l’affaire échapper à Louis. Après tout, il y avait des lois (et aussi 1000 km au compteur entre mon domicile et l’office notarial). De plus, je savais pallier les « erreurs » et « omissions » de cet acte notarié ni fait ni à faire. Sitôt sortie du rendez-vous notarial, je débutais l’enquête auprès des services municipaux de la ville et d’artisans connaissant l’immeuble.
J’arrachais enfin à l’intermédiaire, l’identité et les coordonnées du vrai-faux syndic ; même pas un copropriétaire mais sa mère, une Tatie Danielle commerçante à la retraite et domiciliée à 500 km de l’immeuble.
L’agent immobilier avait attendu la fin du délai SRU de rétraction pour me donner l’info. Donc quoiqu’il arrivât, plus question pour Louis de se désister sans perdre minimum 16 550 € de dépôt de garantie.
Le calvaire
Face à Tatie Danielle mes demandes légitimes, courtoises mais insistantes se heurtaient à un bunker : « Ma p’tite dame, vous n’êtes rien ! Vous n’aurez rien. Les comptes seront remis à zéro quand votre fils sera propriétaire (...) Ils (ex-locataires, copropriétaires) sont gentils, ils paient sans regarder. D’ailleurs celui du dessous fort sympathique, a intérêt à être gentil avec moi. Vu c’que j’sais, c’est bon ! » (sic) ajouta-t-elle espérant un rire complice. J’étais estomaquée.
Un mois d’obstruction et de refus relayés par l’agent immobilier, d’intimidations, de calomnies notamment auprès des « gentils copropriétaires ». Manipulés, ceux-ci m’encouragèrent avec mépris à aller voir ailleurs. J’ai donc cherché… ailleurs, partout. Et ce malgré les divagations mensongères portant atteintes à mon honneur et à ma réputation, des stratagèmes destinés à nous faire abandonner cette transaction, manœuvres orchestrées par Tatie Danielle qui avec son fils jugeaient sans complexe mes « démarches illégales » (re sic)
Évidemment, j’allais de surprises en découvertes de plus en plus gênantes pour le duo mère-fils. Symptomatique, le sinistre récent, couvert par l’assurance de l’immeuble et soigneusement étouffé. Ce qu’ils ignoraient et qui sans doute les paniquait, c’est que le sommet de l’iceberg me suffisait pour anticiper la mise aux normes a minima de cette copropriété, et pour évaluer la part prévisionnelle de Louis dans les dépenses communes. Leurs magouilles m’indifféraient puisque ni l’un ni l’autre n’était copropriétaire. Ce n’était pour moi qu’un mauvais moment à passer.
La révélation
Le 11 août, épuisée par cette quête mais heureuse d’avoir réussi, je mettais sous le nez du notaire soudain terriblement embarrassé, l’ensemble des documents « qui n’existaient pas ». Ces preuves substantielles, ces « éléments » qu’il me réclamait pour « pouvoir agir » disait-il.
Quelle que soit la stratégie administrative adoptée par l’officier ministériel, j’attendais avec impatience soit l’avenant suggéré, mieux le projet d’acte de vente conforme à la réalité et un rendez-vous précis de signature définitive.
Stupéfaction : totale inertie de notre notaire procrastinateur. Il partit en vacances après m’avoir vainement poussée lui aussi à laisser tomber « avec son aide ». Mon sympathique bien dévoué demeura injoignable et mes courriels, lettres mortes.
A croire que mes découvertes les avaient tous statufiés !
De fait, la fine équipe organisait une contre-offensive désespérée aux allures de baroud d’honneur qui a suffi à l’officier ministériel assermenté et neutre, chargé accessoirement de défendre également les intérêts de Louis son client bénéficiaire … à annuler cette vente pourtant parfaite (selon l’article 1583 du Code civil), usant d’un prétexte douteux sans aucune justification ni motivation !
Le détail qui tue
J’avais zappé un point de la promesse passé sous silence. Et de toute façon il était bien trop tard. Le scud arriva une semaine avant la fin du délai de vente définitive.
Une clause sibylline d’inaliénabilité au profit de la donatrice Tatie Danielle imposant sa signature à l’acte. Cette clause était-elle si dérangeante au point de l’éluder complètement à la lecture partielle du contrat par le notaire sur son écran high tech ?
Dans l’hypothèse où cette clause rédhibitoire était valable, le notaire aurait évidemment dû annexer au contrat, avec celle de sa fille promettante, « le consentement pur et simple à la présente aliénation », signé par la donatrice comme le veut la prudente pratique. Or la procuration est partie quatre jours avant la date butoir ! Raison invoquée : « Elle pouvait se rétracter entre la promesse et la vente !» (sic) Je ne suis pas juriste mais décidément, mon bien dévoué me prenait-il pour une quiche ?
Devant tant de désinvolture, je gardais mon agacement pour moi. Forte des précieux conseils d’un professionnel du barreau [ici https://www.village-justice.com/articles/Les-conditions-validite-clause,25580.html ], j’exigeais l’extrait de la donation-partage afin de vérifier la validité de cette nouvelle embûche de dernière minute. Je faisais aussi remarquer au bien dévoué officier ministériel que pour être valable, une telle obstruction devait être motivée et justifiée. C’était la loi !
Autant souffler dans un violon…
Le couperet tomba le 20 septembre, 3 jours après l’échéance : la promesse était devenue caduque sans autre forme de procès. Ben voyons ! Encore du bluff pour une rupture abusive ?
Epilogue
Son caprice satisfait, Tatie Danielle est libre d’adouber un gentil copropriétaire bien moins regardant et à son goût.
Sa fille l’Arlésienne est à nouveau contrainte d’abandonner son projet d’achat. Et oui, c’est la deuxième fois cette année que la vente de son appartement part en vrille. Une autre promesse quelque part qui tombe à l’eau ?
Son fils, directeur de l’agence immobilière poursuit ses activités, débarrassé du caillou dans sa chaussure et attendant le prochain pigeon.
Mon bien dévoué notaire se défile sans assumer ses responsabilités notamment son défaut de conseil et sa partialité. Il n’a pas formellement annulé cette vente et se contente de rendre à Louis ses 8000 € immobilisés depuis fin juin. Alors que la partie vendeuse seule bénéficiaire de l’entourloupe s’en sort sans aucun frais ni pénalité, il a l’audace de prétendre conserver les 550 € d’avance versés par Louis pour sa remarquable prestation !
Déçu, Louis est surpris de la chute « Ça s’arrête comme ça ? Et c’est tout ? Pas de RV avec le notaire ? ».
Morale
Une promesse de vente est censée protéger l’acquéreur. Celle-ci n’a servi que les manœuvres dolosives et dilatoires des vendeurs. Le notaire défaillant a tiré la chasse et fermé la porte. Désormais, j’étudie la suite judiciaire à donner.
En attendant, je me console avec La Fontaine « Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Carpe diem
J’espère que ce modeste témoignage mettra en garde l’acheteur enthousiaste et trop confiant ; ainsi que le notaire qui balance entre intérêt commercial et éthique déontologie, entre juteuse collaboration avec son agent immobilier habituel, et un client lambda de passage. Ça peut vous arriver ! Je ne suis pas la seule à dénoncer ce genre de pratique. « Que choisir » aussi dans sa dernière livraison (n°606 d’octobre 2021 dans son grand dossier _Ligne Rouge sur les notaires : « les 4 grandes dérives du métier »).
Un grand merci au Maire de cette si jolie ville de province et aux experts compréhensifs, qui m’ont fourni les informations nécessaires et obligatoires qui « n’existaient pas » afin que Louis puisse acheter en toute connaissance de cause. Je partage la déception de tous ceux dont les projets directement liés à cet achat tombent à l’eau.
Véronique F
[NDLR Les noms ont été changés. Seuls les protagonistes se reconnaîtront]
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