#TariqRamadan "Je n'ai pas pu oublier ce qui m'est arrivé avec lui cette nuit-là" @Henda_Ayari
Lun 6 Nov - 13:18
"Je n'ai pas pu oublier ce qui m'est arrivé avec lui cette nuit-là" Tariq Ramadan par Henda Ayari via le "New York Times"
Comment une jeune Française d'origine musulmane courageuse et intelligente s'est fait piéger par les islamistes alors qu'elle était étudiante en Fac, a été violentée rapporte-t-elle par Tariq Ramadan, comment elle a pu s'émanciper et comment elle s'en sort aujourd'hui... Traduction par mes soins de l'article paru le 3 novembre 2017 dans le New York Times
Le message Facebook, publié peu de temps après l'attentat terroriste des extrémistes islamistes à la salle de concert du Bataclan à Paris en novembre 2015, fit l'effet d'une bombe dans l'atmosphère fébrile qui rêgnait en France.
Henda Ayari, citoyenne française d'origine maghrébine, postait deux photographies d'elle-même - l'une sous le voile islamique noir, l'autre tête nue en veste et T-shirt, accompagnées d'une amère dénonciation du salafisme et des incitations au djihad violent auprès des jeunes musulmans français.
Elle y décriait comment, en tant qu'étudiante, elle avait été entraînée dans la secte islamiste fondamentaliste et comment, après dix ans de mariage et trois enfants, elle s'était battue pour sortir de ce qu'elle appelle la camisole de l'islam radical.
Il y a deux semaines, Henda Ayari a déclenché un autre tumulte. Lisant sur son ordinateur les récits de femmes dénonçant leurs agresseurs sexuels dans la campagne #MeToo sur les réseaux sociaux après le scandale Harvey Weinstein, elle s'est jointe au mouvement en désignant l'homme qui, selon elle, l'a violée il y a cinq ans.
"Ça me restait sur le cœur" a-t-elle déclaré lors d'une interview téléphonique la semaine dernière. "J'ai eu beaucoup de difficultés avec ça pendant des années, et je ne pouvais pas oublier ce qui m'était arrivé ce soir-là avec lui, et c'est ce qui m'a décidée. Je pensais juste à ce moment-là me libérer, libérer ma parole, et cela m'a fait du bien, cela m'a un peu soulagée", a-t-elle dit. "Mais le nom..., je ne pensais pas que ça ferait autant de bruit."
L'homme qu'elle accuse de l'avoir violée dans une chambre d'hôtel parisienne au printemps 2012 et qui, selon elle, la menaçait pour qu'elle garde le silence, c'est Tariq Ramadan, un érudit musulman d'origine suisse qui enseigne les études islamiques contemporaines à l'université d'Oxford, habitué des chaînes d'infos où il parle de l'Islam et du monde occidental.
Le jour même où elle le dénonçait sur Facebook, Mme Ayari déposait plainte pour agression au commissariat de Rouen, sa ville natale. Elle y accuse Tariq Ramadan de viol, d'agression sexuelle, de violence volontaire, de harcèlement et d'intimidation, ont déclaré ses avocats.
M. Ramadan a déclaré sur sa page Facebook au cours du week-end que ces allégations n'étaient pas fondées et qu'elles faisaient partie d'une campagne de diffamation organisée par ses ennemis. Il a ajouté qu'il avait ordonné à son avocat de poursuivre Mme Ayari pour diffamation. "La justice doit suivre son cours", écrit-il. "Mon avocat s'occupe de l'affaire, nous nous attendons à un combat long et pénible."
Henda Ayari, 40 ans, est une combattante.
Après le post Facebook de 2015, elle a écrit un livre, "J'ai choisi d'être libre" - Rescapée du salafisme en France qui décrit l'esclavage mental et physique qu'elle et d'autres femmes ont enduré au sein de la communauté salafiste. Elle y décrit également une agression sexuelle sans désigner nommément son agresseur présumé.
Cette attitude lui valut menaces et condamnation, y compris de sa propre famille. Elle ne parle pas à ses parents et son fils aîné, maintenant âgé de 18 ans, s'est rangé du côté de son ex-mari salafiste. Elle est actuellement confrontée à des torrents d'injures en ligne.
Henda Ayari a grandi dans une famille ouvrière à Rouen, fille d'un père algérien et d'une mère tunisienne, tous deux musulmans mais pas particulièrement religieux. Ses parents ont divorcé quand elle était jeune et tous deux se sont remariés, laissant l'enfant se sentir vulnérable et non-désirée.
Inscrite en psychologie à l'Université, Henda Ayari s'est mise à explorer la religion. Elle a commencé à porter le voile et a été rapidement accueillie dans un cercle de musulmans conservateurs. En quelques mois, ceux-ci l'avaient installée avec un salafiste tunisien qui vivait à Lyon. Ils se sont mariés quand elle avait 21 ans.
L'une des premières choses que fit son mari Bachir fut de lui acheter un jilbab, qui couvre la femme de la tête aux pieds, et un niqab, le voile qui cache tout sauf les yeux. Le niqab était, selon les mots de son époux, le summum de la religiosité, l'habit féminin qui plaisait le plus à Allah.
Pendant les 10 années qui ont suivi, Henda Ayari a vécu presque exclusivement avec ses trois enfants, passant parfois des journées entières sans quitter sa chambre et parlant à peine en dehors de la famille et du cercle immédiat de son mari. Les salafistes enseignent qu'ils ne suivent que "la vraie voie" comme à l'époque du prophète Mahomet. Ils rejettent tout contact avec ceux qui sont en dehors de leur secte.
La famille survivait grâce aux aides sociales d’État, le mari passant son temps avec des compagnons salafistes à la mosquée. Au fur et à mesure que les enfants grandissaient, Henda Ayari l'exhortait à trouver du travail, mais celui-ci se plaignait de ce que le racisme et la discrimination en France l'empêchaient de trouver un emploi. Elle finit par considérer sa tenue salafiste et sa longue barbe comme une excuse pour ne pas travailler.
Leur mariage se détériorant, son mari dépassait les limites, raconte-t-elle. Quand un responsable des services sociaux lui dit qu'elle vivait dans une prison et lui conseillait une aide psychologique, elle réalisa qu'elle devait en sortir.
"C'est un piège, surtout pour les femmes, parce qu'ils disent que vous devez porter le voile, vous marier et ne pas étudier, et ils veulent que vous soyez uniquement une femme soumise", écrit-elle.
Henda Ayari commença à s'interroger sur les restrictions salafistes patriarcales qui commandaient aux adeptes d'obéir à l'exemple du prophète, sans poser de question et qui semblaient particulièrement adaptées pour convenir aux hommes.
Finalement, Henda Ayari a fui avec ses enfants. Mais recommencer sa vie en tant que mère célibataire alors qu'elle affrontait une crise de la foi s'est avéré être un trop grand pas en avant. Elle a souffert d'une dépression nerveuse et a perdu la garde de ses enfants pendant deux ans.
Internet, en particulier Facebook, a été son compagnon tout au long du chemin. Alors qu'elle commençait à s'interroger sur l'idéologie extrême du salafisme, Henda Ayari commença à suivre l'enseignement de Tariq Ramadan qui devint un instructeur et un mentor en ligne, lui proposant finalement de le rencontrer à Paris où il participait à une conférence.
Henda Ayari explique qu'elle considérait Tariq Ramadan comme un saint et fut choquée et terrifiée par ce qu'elle décrit comme sa violente agression et ses menaces si elle parlait.
Depuis qu'elle a cité nommément son agresseur, Henda Ayari rapporte qu'elle a été inondée d'insultes et d'injures. "La réaction, le buzz, m'ont vraiment fait peur", a-t-elle déclaré lors de l'interview téléphonique. "J'ai très peur d'être reconnue quand je sors dans la rue", continue Henda Ayari. "J'ai peur qu'ils blessent mes enfants, qu'ils sachent où je vis. C'est très dur."
Malgré cela, Henda Ayari affirme que les messages qu'elle a reçus d'autres femmes, dont beaucoup mariées de force ou qui se débattent avec des dilemmes similaires en abandonnant le voile, lui donnent un but.
Il y a deux ans, Henda Ayari a fondé une association à but non lucratif, "Libératrices", qui aide les femmes aux prises avec les mêmes problèmes. Elle fait des conférences dans les écoles, anime des ateliers contre l'islam radical et aide ces femmes à obtenir des conseils juridiques.
L'interdiction de la burqa et du niqab comme en France n'était pas la solution, a-t-elle déclaré. Les dirigeants salafistes ont profité de cette interdiction pour attiser la colère de leurs adeptes, de nombreuses femmes ont choisi de rester à la maison plutôt que de sortir sans ces couvertures et se sont ainsi encore plus isolées.
Au lieu d'avoir des amendes, les femmes devraient être obligées d'assister à des ateliers éducatifs, précise Henda Ayari. "Il faut attaquer le problème par la discussion, la compréhension, la douceur et surtout pas l'exclusion."
Et contrer le message salafiste est essentiel, insiste-t-elle !
"J'ai mis beaucoup de temps à ouvrir les yeux, à comprendre qu'ils nous ont endoctrinés. Il est important de dire à toutes les femmes qu'elles doivent parler, qu'elles ne doivent pas avoir peur, qu'elles ne sont pas des êtres inférieurs aux hommes, qu'elles sont égales aux hommes, qu'elles doivent se battre pour être respectées et qu'il n'est pas nécessaire de porter le voile pour être une bonne musulmane. "
Par Carlotta Gall et Éloïse Stark
traduit de l'anglais par Calculette@LaMutine
Boutons de partage en marge à gauche en haut. Merci ! 💙💐
Et aussi :
- Une deuxième femme accuse Tariq Ramadan de viol
http://www.leparisien.fr/une/une-deuxieme-femme-accuse-tariq-ramadan-de-viol-27-10-2017-7359027.php#xtor=AD-1481423553
"Christelle" 42 ans, convertie à l’islam et souffrant d’un handicap aux jambes, dénonce dans sa plainte, que nous avons pu consulter, des scènes de violence sexuelle d’une grande brutalité.
La drague de Tariq Ramadan sur Facebook
Lun 6 Nov - 23:30
Antoine Hürlimann
@ahurlimann
Parmi ces témoignages, celui d’Hayet*, une Française de confession musulmane domiciliée dans l’Hérault, éclaire le modus operandi de Tariq Ramadan. A commencer par sa technique d’approche. Il choisirait les femmes qui l’intéressent parmi les nombreuses abonnées à sa page Facebook officielle (plus de 2 millions de personnes le suivent).
«J’avais posté un commentaire sous sa photo de profil. Je lui disais en rigolant: beau gosse Tariq, tu n’aurais pas un fils ou un cousin à me présenter? Quelques jours après, je recevais un message privé sur Facebook d’un profil à son nom.» Hayet croit d’abord avoir affaire à un usurpateur: «Je ne pouvais pas penser une seconde qu’un homme marié aussi pieux que Tariq Ramadan puisse parler à une femme sur les réseaux sociaux.»
Les jours passent, les messages défilent. Le doute s’insinue. Hayet se dit que son correspondant est peut-être bien Tariq Ramadan. «Vers la fin de mai 2013, il restait très évasif sur ses intentions. Il conversait très simplement avec moi. Je lui demandais avec insistance de prouver son identité, et il me proposait de discuter via Skype. Face à mes refus – je ne comptais pas avoir une conversation vidéo avec un inconnu, Tariq ou pas Tariq –, il m’a envoyé un enregistrement vocal. J’ai directement reconnu sa voix.» 24 heures a pu écouter cet enregistrement: «Voilà, comme ça, tu entends ma voix, et puis c’est à toi de savoir. C’est bien moi, donc je ne vais pas commencer à insister pendant trente ans. Tu veux le savoir, tu le sauras. Tu dis que tu ne veux pas le savoir et en même temps tu reviens systématiquement avec tes doutes, ça va. Je veux dire, je ne suis pas un enfant, je n’ai pas le temps. Voilà très chère, prends soin de toi, et puis à toi de savoir exactement ce que tu veux mais prends une décision au lieu de jouer à ce jeu où on n’est pas loin de l’insulte, au fait. Merci. Salam alaykoum.»
Ce qui va définitivement convaincre la jeune Française, c’est un colis, reçu à son domicile. «Après avoir écrit à Tariq Ramadan que je me rendais à la plage, il m’a rétorqué que je devais trouver une meilleure activité que d’aller montrer mon corps à tout le monde. Je lui ai donné mon adresse et je lui ai demandé de m’envoyer deux de ses livres. Ceux-ci sont arrivés chez moi, expédiés depuis son bureau situé au cœur de Saint-Denis.» Rassurée et contente d’avoir pour contact une personnalité «importante», Hayet souhaite désormais poursuivre ses discussions avec Tariq Ramadan. Mais celui-ci se fait rare. «Pendant environ un mois, jusqu’à la fin juillet 2013, il n’a plus répondu à mes messages.» Troublée, elle demande conseil autour d’elle.
«Un ami m’a dit que j’avais été naïve, et qu’il ne me répondait plus parce que je n’étais pas entrée dans son jeu et que nous n’avions pas les mêmes intentions. Il m’a dit de lui parler de manière un peu plus crue et il reviendrait.» Elle lui envoie ces quelques mots: «Tu me manques.» La réponse tombe immédiatement. «Ensuite, il n’a pas fallu l’encourager beaucoup. Il a tout déballé, y compris des propositions sexuelles.»
Sidérée de découvrir ses «véritables intentions», la jeune femme peine encore à y croire: «Naïvement, j’ai essayé de lui faire la morale en lui disant qu’il ne devait pas tromper sa femme, lui qui parle de l’adultère comme d’un péché très grave.» La réaction n’est pas celle qu’elle attendait: «Il a commencé à être menaçant et m’a bloquée des réseaux sociaux. Rapidement, j’ai constaté que je n’étais pas la seule à avoir reçu ce genre de messages sexuellement explicites et que certaines femmes affirmaient avoir été abusées par lui. Les femmes musulmanes le portent en haute estime et lui vouent une admiration sans faille. Lui en profite. J’ai donc décidé de publier tout ce que j’avais accumulé sur Tariq Ramadan, pour montrer son vrai visage.»
Elle a aussi raconté son histoire à Lucia Canovi, une Française convertie domiciliée en Algérie, qui consacre plusieurs chapitres aux agissements supposés de l’islamologue suisse dans son livre Le double discours. Tariq Ramadan le jour, Tariq Ramadan la nuit, paru en octobre. Toutefois, les propos de l’auteure sont à prendre avec des pincettes tant ils sont véhéments.
En réponse à ses démarches, Hayet aurait reçu un e-mail de Tariq Ramadan la menaçant de la poursuivre en justice, avec un avocat, Me X (ndlr: nom connu de la rédaction) en copie. Ce dernier se retrouve aussi dans un courrier recommandé envoyé par un bureau d’avocats genevois enjoignant Hayet de mettre fin à «ses activités». Contactée par téléphone au sujet de Me X, l’avocate qui a signé la lettre affirme ne pas le connaître. Son associé a par contre déclaré «n’en avoir rien à f… de ces questions» et a demandé qu’on ne le dérange plus. Vérification faite auprès du Conseil national des barreaux français et dans tous les registres cantonaux des avocats, ce Me X n’apparaît nulle part. Aucune trace de lui, non plus, sur les réseaux sociaux ou sur les autres moteurs de recherche. Une question se pose: cet avocat existe-t-il vraiment?
Quant au profil Facebook désigné par Hayet, il paraît authentique. La page officielle de Tariq Ramadan l’a identifié 17 fois sur des photos de l’intéressé. De plus, son administrateur utilise de nombreuses applications pour gérer des pages et des contenus publicitaires. Cependant, la modératrice de son site Web nous a assuré dans un premier temps qu’il s’agissait d’un faux profil. Relancée sur la question des photos, elle est revenue sur ses propos: «Effectivement, notre community manager me confirme que le compte que vous nous avez signalé est lié à notre page officielle.» Malgré plusieurs tentatives via son avocat, Me Yassine Bouzrou, Tariq Ramadan est resté injoignable.
* Prénom d’emprunt
source : https://mobile2.24heures.ch/articles/59fce30bab5c375b48000001
@ahurlimann
Parmi ces témoignages, celui d’Hayet*, une Française de confession musulmane domiciliée dans l’Hérault, éclaire le modus operandi de Tariq Ramadan. A commencer par sa technique d’approche. Il choisirait les femmes qui l’intéressent parmi les nombreuses abonnées à sa page Facebook officielle (plus de 2 millions de personnes le suivent).
«J’avais posté un commentaire sous sa photo de profil. Je lui disais en rigolant: beau gosse Tariq, tu n’aurais pas un fils ou un cousin à me présenter? Quelques jours après, je recevais un message privé sur Facebook d’un profil à son nom.» Hayet croit d’abord avoir affaire à un usurpateur: «Je ne pouvais pas penser une seconde qu’un homme marié aussi pieux que Tariq Ramadan puisse parler à une femme sur les réseaux sociaux.»
Les jours passent, les messages défilent. Le doute s’insinue. Hayet se dit que son correspondant est peut-être bien Tariq Ramadan. «Vers la fin de mai 2013, il restait très évasif sur ses intentions. Il conversait très simplement avec moi. Je lui demandais avec insistance de prouver son identité, et il me proposait de discuter via Skype. Face à mes refus – je ne comptais pas avoir une conversation vidéo avec un inconnu, Tariq ou pas Tariq –, il m’a envoyé un enregistrement vocal. J’ai directement reconnu sa voix.» 24 heures a pu écouter cet enregistrement: «Voilà, comme ça, tu entends ma voix, et puis c’est à toi de savoir. C’est bien moi, donc je ne vais pas commencer à insister pendant trente ans. Tu veux le savoir, tu le sauras. Tu dis que tu ne veux pas le savoir et en même temps tu reviens systématiquement avec tes doutes, ça va. Je veux dire, je ne suis pas un enfant, je n’ai pas le temps. Voilà très chère, prends soin de toi, et puis à toi de savoir exactement ce que tu veux mais prends une décision au lieu de jouer à ce jeu où on n’est pas loin de l’insulte, au fait. Merci. Salam alaykoum.»
Ce qui va définitivement convaincre la jeune Française, c’est un colis, reçu à son domicile. «Après avoir écrit à Tariq Ramadan que je me rendais à la plage, il m’a rétorqué que je devais trouver une meilleure activité que d’aller montrer mon corps à tout le monde. Je lui ai donné mon adresse et je lui ai demandé de m’envoyer deux de ses livres. Ceux-ci sont arrivés chez moi, expédiés depuis son bureau situé au cœur de Saint-Denis.» Rassurée et contente d’avoir pour contact une personnalité «importante», Hayet souhaite désormais poursuivre ses discussions avec Tariq Ramadan. Mais celui-ci se fait rare. «Pendant environ un mois, jusqu’à la fin juillet 2013, il n’a plus répondu à mes messages.» Troublée, elle demande conseil autour d’elle.
«Un ami m’a dit que j’avais été naïve, et qu’il ne me répondait plus parce que je n’étais pas entrée dans son jeu et que nous n’avions pas les mêmes intentions. Il m’a dit de lui parler de manière un peu plus crue et il reviendrait.» Elle lui envoie ces quelques mots: «Tu me manques.» La réponse tombe immédiatement. «Ensuite, il n’a pas fallu l’encourager beaucoup. Il a tout déballé, y compris des propositions sexuelles.»
Sidérée de découvrir ses «véritables intentions», la jeune femme peine encore à y croire: «Naïvement, j’ai essayé de lui faire la morale en lui disant qu’il ne devait pas tromper sa femme, lui qui parle de l’adultère comme d’un péché très grave.» La réaction n’est pas celle qu’elle attendait: «Il a commencé à être menaçant et m’a bloquée des réseaux sociaux. Rapidement, j’ai constaté que je n’étais pas la seule à avoir reçu ce genre de messages sexuellement explicites et que certaines femmes affirmaient avoir été abusées par lui. Les femmes musulmanes le portent en haute estime et lui vouent une admiration sans faille. Lui en profite. J’ai donc décidé de publier tout ce que j’avais accumulé sur Tariq Ramadan, pour montrer son vrai visage.»
Elle a aussi raconté son histoire à Lucia Canovi, une Française convertie domiciliée en Algérie, qui consacre plusieurs chapitres aux agissements supposés de l’islamologue suisse dans son livre Le double discours. Tariq Ramadan le jour, Tariq Ramadan la nuit, paru en octobre. Toutefois, les propos de l’auteure sont à prendre avec des pincettes tant ils sont véhéments.
En réponse à ses démarches, Hayet aurait reçu un e-mail de Tariq Ramadan la menaçant de la poursuivre en justice, avec un avocat, Me X (ndlr: nom connu de la rédaction) en copie. Ce dernier se retrouve aussi dans un courrier recommandé envoyé par un bureau d’avocats genevois enjoignant Hayet de mettre fin à «ses activités». Contactée par téléphone au sujet de Me X, l’avocate qui a signé la lettre affirme ne pas le connaître. Son associé a par contre déclaré «n’en avoir rien à f… de ces questions» et a demandé qu’on ne le dérange plus. Vérification faite auprès du Conseil national des barreaux français et dans tous les registres cantonaux des avocats, ce Me X n’apparaît nulle part. Aucune trace de lui, non plus, sur les réseaux sociaux ou sur les autres moteurs de recherche. Une question se pose: cet avocat existe-t-il vraiment?
Quant au profil Facebook désigné par Hayet, il paraît authentique. La page officielle de Tariq Ramadan l’a identifié 17 fois sur des photos de l’intéressé. De plus, son administrateur utilise de nombreuses applications pour gérer des pages et des contenus publicitaires. Cependant, la modératrice de son site Web nous a assuré dans un premier temps qu’il s’agissait d’un faux profil. Relancée sur la question des photos, elle est revenue sur ses propos: «Effectivement, notre community manager me confirme que le compte que vous nous avez signalé est lié à notre page officielle.» Malgré plusieurs tentatives via son avocat, Me Yassine Bouzrou, Tariq Ramadan est resté injoignable.
* Prénom d’emprunt
source : https://mobile2.24heures.ch/articles/59fce30bab5c375b48000001
Est-ce facile d’être l’épouse de Tariq Ramadan ?
Jeu 9 Nov - 2:21
Est-ce facile d’être l’épouse de Tariq Ramadan ?
Non pas toujours ! Au niveau privé, je suis heureuse et je ne regrette rien. Mais du point de vue de l’homme public, ce n’est pas facile parce qu’il est souvent absent et qu’il faut gérer cette absence. Mais je sais qu’il est utile ailleurs, et je lui reconnais une telle valeur que je trouverais égoïste de ne pas en faire profiter les autres. Mon rôle est d’essayer de trouver un équilibre entre sa vie familiale et sa vie publique. Et puis, ce n’est pas facile de vivre avec quelqu’un qui a beaucoup de qualités. C’est difficile pour sa propre confiance en soi. C’est encore plus vrai quand une femme ne travaille pas, qu’elle n’a pas de rôle social. La reconnaissance féminine est encore difficile.
Que pensez-vous de la polygamie ?
Une exception à une règle ! La norme, c’est la monogamie. La polygamie peut être une solution à un moment donné. Par exemple, à l’époque du Prophète, beaucoup d’hommes mouraient dans des batailles et il y avait trop de femmes. Mais si toutes les conditions sont respectées – entre autres, traiter exactement de la même manière chaque épouse – cela rend la polygamie presque impossible.
Vous l’accepteriez ?
Non ! Mais vous savez, dans son contrat de mariage, la femme peut stipuler qu’elle ne veut pas d’un second mariage. Une fois de plus la religion est manipulée et les femmes ne connaissent pas leurs droits. Si chaque femme refusait la polygamie, celle-ci n’existerait plus !
(Propos recueillis par Isabelle Motchane-Brun pour l’Express (de l’Île Maurice), publiés le 24 août 2003)
Tariq Ramadan cherche une porte de sortie
Mer 15 Nov - 11:00
Alors que les accusations et les témoignages de femmes agressées s’accumulent, la marge de manœuvre de l’islamologue se rétrécit
Lu ici > https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/tariq-ramadan-cherche-une-porte-de-sortie/ar-BBEXU0u?li=BBwlBpb&MSCC=1510739189&ocid=spartandhp
Il lui aurait promis le mariage… et la mort, si elle racontait leur histoire. Henda Ayari a tu son nom pendant des années mais, aujourd’hui, elle n’a plus peur : oui, c’est bien Tariq Ramadan qui l’a violée en 2012, dans une chambre d’un hôtel parisien. « Il m’a insultée et humiliée. Il m’a giflée. Il m’a violentée. J’ai vu son regard fou. » Leur rencontre s’est d’abord faite sur Facebook. « Jamais je n’aurais pu imaginer que cet homme, que j’idolâtrais depuis mes 18 ans, accepterait finalement de me recevoir », écrit cette Française de 40 ans dans son livre « J’ai choisi d’être libre ». Malgré une nuit de coups et d’insultes, Henda est restée en contact avec son violeur. C’est l’affaire Weinstein qui l’a décidée à porter plainte contre le prédicateur, le 20 octobre.
"Il m'a mordu le bras jusqu'au sang"
Elle n’est pas seule. « Tariq Ramadan m’a donné rendez-vous au bar de l’hôtel Hilton de Lyon, où il était descendu pour une conférence, en octobre 2009 », raconte une autre femme qui souhaite conserver l’anonymat. A l’époque, elle portait des béquilles. La suite de son récit ressemble à celui d’Henda. Séduction, insultes, coups, humiliations, menaces… Même système d’emprise, même mode opératoire. « Il m’a promis que je n’allais pas souffrir… » La Belge Majda Laroussi brise le silence dès 2014. « Pour moi, c’était le pape des musulmans ! » raconte-t-elle. Leur relation démarre par écrit, sur Facebook également : Majda veut son avis sur son développement spirituel. Après trois mois de correspondance, elle le retrouve dans le lobby d’un hôtel, à Lille. « Il m’a demandé de monter dans sa chambre, il a commandé à manger. Et puis, soudain, il m’a mordu le bras, jusqu’au sang. » Majda dit avoir eu peur, mais « il est immédiatement redevenu normal », explique-t-elle. « Il a ensuite déployé tant de compréhension, de douceur, de culture… Ça m’a enveloppée d’une chaleur dont j’avais besoin. » Après, il y aura pourtant des violences sexuelles, auxquelles elle consent, et une relation conflictuelle qui durera de 2009 à 2014. « Il me promettait le mariage, puis disparaissait pendant plusieurs semaines, m’envoyait des centaines de messages d’amour, puis m’insultait. Il disait souvent : “Vivre, c’est détruire.”»
Tariq Ramadan a porté plainte pour "dénonciation calomnieuse"
Trois femmes, trois témoignages, trois brèches dans l’aura de Ramadan, dans le monde islamique et ailleurs. Elles précèdent les déclarations de quatre anciennes élèves du collège de Genève, mineures à l’époque. Début novembre, elles révélaient avoir été harcelées par leur ex-prof. « C’était un héros auprès d’une partie des musulmans… Ça va être très difficile pour lui de parler de religion », analyse Saïd Branine, directeur de la rédaction de Oumma, le premier site musulman d’information.
Silencieux depuis ces révélations, Tariq Ramadan a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Tribun nomade, prédicateur sulfureux, orateur réclamé dans le monde, il passe sa vie sur la route, la nuit à l’hôtel, le matin dans l’avion. Ses conférences, « rémunérées de plusieurs centaines d’euros », précisent d’anciens proches, commencent par un monologue, introduit par quelques sourates ; puis il répond aux questions de l’auditoire, donne des conseils sur la foi, la famille, la vie politique, médiatique, économique.
A Casablanca, en mars 2011, il déclare : « Pour que l’accomplissement de [la] sexualité se confirme dans la spiritualité, il faut qu’elle se réalise devant Dieu […] et soit sanctionnée par […] le contrat du mariage. » « Son métier, c’est de parler de vie privée et de morale, commente Majda Laroussi. Or, il n’y a pas une once de moralité en lui. » Beaucoup de jeunes viennent l’écouter, autant de femmes que d’hommes. Il arrive « toujours en retard, comme une star », précise un habitué. Maître de conférences à Sciences po Lyon, Haoues Seniguer s’est intéressé à la rhétorique de Tariq Ramadan dans les années 2000. « C’est un prédicateur et, pour cela, pas besoin de qualification. On le devient dès lors qu’on est capable d’appeler à Dieu, au bien, de condamner le blâmable, de dissuader de l’inconvenant. » Cela, Ramadan le fait avec talent. Lui, dont les parents n’ont jamais travaillé à l’usine, séduit même les fils d’ouvriers.
Tariq Ramadan est un Européen issu de la bourgeoisie égyptienne. Il naît et grandit à Genève, dans le centre islamique fondé par son père, Saïd Ramadan, auprès d’une mère qui est la fille d’Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. « Les Ramadan forment un clan, explique Ian Hamel, journaliste qui lui a consacré un livre. Toute la famille siège au conseil d’administration de leur mosquée. La mère aurait un très fort caractère. Elle a élevé ses six enfants comme une élite musulmane qui se considère au-dessus du lot. » A Genève, Tariq devient professeur de collège. Il se forme religieusement, étudie la théologie en Egypte pendant quelques mois et passe une année en Angleterre, dans un centre d’approfondissement de la foi. Il propose de donner bénévolement une conférence hebdomadaire à la faculté de Fribourg. « Ce qui lui permet d’usurper le titre de professeur d’université, explique Ian Hamel. Il a difficilement validé sa thèse sur son grand-père, Al-Banna, qu’il présente comme un Gandhi musulman… Depuis il n’a d’ailleurs jamais eu aucun élève thésard. »
S'il se défend d'appartenir aux Frères musulmans, cela ne l'empêche pas de véhiculer leurs idées
La doctrine des Frères musulmans repose sur une idéologie politique identitaire, anti-occidentale, que beaucoup tiennent pour totalitaire, même si elle se dit officiellement non violente depuis les années 1970. Al-Banna la définit comme « une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie »… et qui prône, en Egypte, l’établissement d’un Etat islamique et l’application de la charia, la loi islamique. Pour y appartenir, il faut prêter allégeance lors d’une cérémonie, au terme de trois ans d’apprentissage. Le sociologue Omero Marongiu-Perria en a fait partie de 1993 à 2004 : « Tariq Ramadan n’a jamais prêté allégeance, mais il n’en a pas besoin, sa filiation suffit. » Si l’héritier se défend d’appartenir aux Frères musulmans, cela ne l’empêche pas de véhiculer leurs idées.
Une ambiguïté qui rejoint celle de son discours, dénoncée par des journalistes, Caroline Fourest notamment, et par des politologues comme Gilles Kepel. Son concept est contradictoire : Ramadan promet une réforme de l’islam… mais rappelle qu’il ne faut pas toucher à ses fondamentaux. Moins radical que les salafistes, Ramadan, à l’image des Frères musulmans, tient néanmoins un discours puritain sur la famille, le mariage, la mixité. A Doha, au Qatar, il a créé un centre d’éthique « pour développer une approche musulmane des questions du monde contemporain, mais en restant prisonnier des traditions », indique Omero Marongiu-Perria qui dénonce « une absence de consistance ».
Ses premiers compagnons de route soulèvent eux aussi ses incohérences ; ils l’ont vu émerger en France il y a vingt-cinq ans. En 1993, Tariq Ramadan participe à une manifestation de soutien à une lycéenne musulmane en grève de la faim, à Grenoble. Le cortège est composé de militants de l’Union des jeunes musulmans, d’anciens de la marche des « beurs », déçus de la présidence de François Mitterrand, et de Lyonnais engagés contre le racisme et pour l’égalité des droits. Parmi eux, Abdelaziz Chaambi se souvient d’« un coup de foudre entre des acteurs de terrain et cet intellectuel musulman occidentalisé ». Abdelaziz et d’autres emmènent Tariq aux Minguettes, un quartier sensible de Vénissieux. Le Suisse découvre la banlieue française, les barres d’immeubles délabrées, le trafic et la toxicomanie, le chômage et le désœuvrement d’une génération. Il serre des mains, pose mille questions. Lyon devient le fief de Ramadan. Il y crée la maison d’édition Tawhid. « A l’époque, l’islam de nos parents se vivait dans les caves, explique Chaambi. On voulait qu’il soit compatible avec la démocratie et on cherchait des intervenants francophones. »
Depuis qu'il est accusé de viol, Tariq Ramadan ne quitte plus son domicile londonien
Tariq tombe à pic. « On est tellement orphelin dans les banlieues que l’on s’accroche à tout ce qui passe », soupire Chaambi. « Tariq parlait bien et surtout il s’était nourri de notre réalité sociale pour construire son discours. Les jeunes se sont dit : il parle pour nous, comme nous. » La scène musulmane est clairsemée, le talent de Ramadan se déploie sans concurrence. Charismatique et exigeant, comme le décrivent ses anciens proches ; peu réceptif à la critique, « colérique », précisent ceux qui ont rompu avec lui. « Il est arrivé avec des clefs pour ceux qui voulaient concilier la foi et la citoyenneté. Mais je ne l’ai jamais considéré comme un guide spirituel », dit Miloud Belarbi, spécialiste de la radicalisation. Les années 2000 seront celles de son ascension médiatique. Le prédicateur multiplie les engagements, ses discours deviennent des shows où les militants de l’UOIF sont chargés de chauffer la salle avant ses apparitions.
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Lors de notre enquête, plusieurs interlocuteurs ont reconnu avoir eu vent des conquêtes de celui qui a pourtant épousé une Française convertie, mère de ses quatre enfants. « Une jeune fille m’avait contacté, dit le professeur Seniguer. Je n’y ai pas donné suite. Puis un écrit qu’elle comptait publier m’est parvenu. Elle y racontait un autoritarisme, des frasques sexuelles, mais elle ne parlait pas de viol. » Ian Hamel et Caroline Fourest ont aussi recueilli des témoignages de relations intimes violentes, sans qu’il y ait de plainte déposée. L’homme qui a construit sa notoriété sur son image, sa prétendue morale, se trouve désormais en mauvaise posture. Depuis qu’il a été accusé de viol en France, il ne quitte pas son domicile londonien, à Wembley. Une enquête de police est en cours et d’autres plaintes pourraient être déposées. Ses accusatrices ne manqueront pas de rappeler le titre d’une de ses conférences : « De la responsabilité partagée entre les deux sexes pour le respect de la dignité de la femme. »
Lu ici > https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/tariq-ramadan-cherche-une-porte-de-sortie/ar-BBEXU0u?li=BBwlBpb&MSCC=1510739189&ocid=spartandhp
Il lui aurait promis le mariage… et la mort, si elle racontait leur histoire. Henda Ayari a tu son nom pendant des années mais, aujourd’hui, elle n’a plus peur : oui, c’est bien Tariq Ramadan qui l’a violée en 2012, dans une chambre d’un hôtel parisien. « Il m’a insultée et humiliée. Il m’a giflée. Il m’a violentée. J’ai vu son regard fou. » Leur rencontre s’est d’abord faite sur Facebook. « Jamais je n’aurais pu imaginer que cet homme, que j’idolâtrais depuis mes 18 ans, accepterait finalement de me recevoir », écrit cette Française de 40 ans dans son livre « J’ai choisi d’être libre ». Malgré une nuit de coups et d’insultes, Henda est restée en contact avec son violeur. C’est l’affaire Weinstein qui l’a décidée à porter plainte contre le prédicateur, le 20 octobre.
"Il m'a mordu le bras jusqu'au sang"
Elle n’est pas seule. « Tariq Ramadan m’a donné rendez-vous au bar de l’hôtel Hilton de Lyon, où il était descendu pour une conférence, en octobre 2009 », raconte une autre femme qui souhaite conserver l’anonymat. A l’époque, elle portait des béquilles. La suite de son récit ressemble à celui d’Henda. Séduction, insultes, coups, humiliations, menaces… Même système d’emprise, même mode opératoire. « Il m’a promis que je n’allais pas souffrir… » La Belge Majda Laroussi brise le silence dès 2014. « Pour moi, c’était le pape des musulmans ! » raconte-t-elle. Leur relation démarre par écrit, sur Facebook également : Majda veut son avis sur son développement spirituel. Après trois mois de correspondance, elle le retrouve dans le lobby d’un hôtel, à Lille. « Il m’a demandé de monter dans sa chambre, il a commandé à manger. Et puis, soudain, il m’a mordu le bras, jusqu’au sang. » Majda dit avoir eu peur, mais « il est immédiatement redevenu normal », explique-t-elle. « Il a ensuite déployé tant de compréhension, de douceur, de culture… Ça m’a enveloppée d’une chaleur dont j’avais besoin. » Après, il y aura pourtant des violences sexuelles, auxquelles elle consent, et une relation conflictuelle qui durera de 2009 à 2014. « Il me promettait le mariage, puis disparaissait pendant plusieurs semaines, m’envoyait des centaines de messages d’amour, puis m’insultait. Il disait souvent : “Vivre, c’est détruire.”»
Tariq Ramadan a porté plainte pour "dénonciation calomnieuse"
Trois femmes, trois témoignages, trois brèches dans l’aura de Ramadan, dans le monde islamique et ailleurs. Elles précèdent les déclarations de quatre anciennes élèves du collège de Genève, mineures à l’époque. Début novembre, elles révélaient avoir été harcelées par leur ex-prof. « C’était un héros auprès d’une partie des musulmans… Ça va être très difficile pour lui de parler de religion », analyse Saïd Branine, directeur de la rédaction de Oumma, le premier site musulman d’information.
Silencieux depuis ces révélations, Tariq Ramadan a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Tribun nomade, prédicateur sulfureux, orateur réclamé dans le monde, il passe sa vie sur la route, la nuit à l’hôtel, le matin dans l’avion. Ses conférences, « rémunérées de plusieurs centaines d’euros », précisent d’anciens proches, commencent par un monologue, introduit par quelques sourates ; puis il répond aux questions de l’auditoire, donne des conseils sur la foi, la famille, la vie politique, médiatique, économique.
A Casablanca, en mars 2011, il déclare : « Pour que l’accomplissement de [la] sexualité se confirme dans la spiritualité, il faut qu’elle se réalise devant Dieu […] et soit sanctionnée par […] le contrat du mariage. » « Son métier, c’est de parler de vie privée et de morale, commente Majda Laroussi. Or, il n’y a pas une once de moralité en lui. » Beaucoup de jeunes viennent l’écouter, autant de femmes que d’hommes. Il arrive « toujours en retard, comme une star », précise un habitué. Maître de conférences à Sciences po Lyon, Haoues Seniguer s’est intéressé à la rhétorique de Tariq Ramadan dans les années 2000. « C’est un prédicateur et, pour cela, pas besoin de qualification. On le devient dès lors qu’on est capable d’appeler à Dieu, au bien, de condamner le blâmable, de dissuader de l’inconvenant. » Cela, Ramadan le fait avec talent. Lui, dont les parents n’ont jamais travaillé à l’usine, séduit même les fils d’ouvriers.
Tariq Ramadan est un Européen issu de la bourgeoisie égyptienne. Il naît et grandit à Genève, dans le centre islamique fondé par son père, Saïd Ramadan, auprès d’une mère qui est la fille d’Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. « Les Ramadan forment un clan, explique Ian Hamel, journaliste qui lui a consacré un livre. Toute la famille siège au conseil d’administration de leur mosquée. La mère aurait un très fort caractère. Elle a élevé ses six enfants comme une élite musulmane qui se considère au-dessus du lot. » A Genève, Tariq devient professeur de collège. Il se forme religieusement, étudie la théologie en Egypte pendant quelques mois et passe une année en Angleterre, dans un centre d’approfondissement de la foi. Il propose de donner bénévolement une conférence hebdomadaire à la faculté de Fribourg. « Ce qui lui permet d’usurper le titre de professeur d’université, explique Ian Hamel. Il a difficilement validé sa thèse sur son grand-père, Al-Banna, qu’il présente comme un Gandhi musulman… Depuis il n’a d’ailleurs jamais eu aucun élève thésard. »
S'il se défend d'appartenir aux Frères musulmans, cela ne l'empêche pas de véhiculer leurs idées
La doctrine des Frères musulmans repose sur une idéologie politique identitaire, anti-occidentale, que beaucoup tiennent pour totalitaire, même si elle se dit officiellement non violente depuis les années 1970. Al-Banna la définit comme « une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie »… et qui prône, en Egypte, l’établissement d’un Etat islamique et l’application de la charia, la loi islamique. Pour y appartenir, il faut prêter allégeance lors d’une cérémonie, au terme de trois ans d’apprentissage. Le sociologue Omero Marongiu-Perria en a fait partie de 1993 à 2004 : « Tariq Ramadan n’a jamais prêté allégeance, mais il n’en a pas besoin, sa filiation suffit. » Si l’héritier se défend d’appartenir aux Frères musulmans, cela ne l’empêche pas de véhiculer leurs idées.
Une ambiguïté qui rejoint celle de son discours, dénoncée par des journalistes, Caroline Fourest notamment, et par des politologues comme Gilles Kepel. Son concept est contradictoire : Ramadan promet une réforme de l’islam… mais rappelle qu’il ne faut pas toucher à ses fondamentaux. Moins radical que les salafistes, Ramadan, à l’image des Frères musulmans, tient néanmoins un discours puritain sur la famille, le mariage, la mixité. A Doha, au Qatar, il a créé un centre d’éthique « pour développer une approche musulmane des questions du monde contemporain, mais en restant prisonnier des traditions », indique Omero Marongiu-Perria qui dénonce « une absence de consistance ».
Ses premiers compagnons de route soulèvent eux aussi ses incohérences ; ils l’ont vu émerger en France il y a vingt-cinq ans. En 1993, Tariq Ramadan participe à une manifestation de soutien à une lycéenne musulmane en grève de la faim, à Grenoble. Le cortège est composé de militants de l’Union des jeunes musulmans, d’anciens de la marche des « beurs », déçus de la présidence de François Mitterrand, et de Lyonnais engagés contre le racisme et pour l’égalité des droits. Parmi eux, Abdelaziz Chaambi se souvient d’« un coup de foudre entre des acteurs de terrain et cet intellectuel musulman occidentalisé ». Abdelaziz et d’autres emmènent Tariq aux Minguettes, un quartier sensible de Vénissieux. Le Suisse découvre la banlieue française, les barres d’immeubles délabrées, le trafic et la toxicomanie, le chômage et le désœuvrement d’une génération. Il serre des mains, pose mille questions. Lyon devient le fief de Ramadan. Il y crée la maison d’édition Tawhid. « A l’époque, l’islam de nos parents se vivait dans les caves, explique Chaambi. On voulait qu’il soit compatible avec la démocratie et on cherchait des intervenants francophones. »
Depuis qu'il est accusé de viol, Tariq Ramadan ne quitte plus son domicile londonien
Tariq tombe à pic. « On est tellement orphelin dans les banlieues que l’on s’accroche à tout ce qui passe », soupire Chaambi. « Tariq parlait bien et surtout il s’était nourri de notre réalité sociale pour construire son discours. Les jeunes se sont dit : il parle pour nous, comme nous. » La scène musulmane est clairsemée, le talent de Ramadan se déploie sans concurrence. Charismatique et exigeant, comme le décrivent ses anciens proches ; peu réceptif à la critique, « colérique », précisent ceux qui ont rompu avec lui. « Il est arrivé avec des clefs pour ceux qui voulaient concilier la foi et la citoyenneté. Mais je ne l’ai jamais considéré comme un guide spirituel », dit Miloud Belarbi, spécialiste de la radicalisation. Les années 2000 seront celles de son ascension médiatique. Le prédicateur multiplie les engagements, ses discours deviennent des shows où les militants de l’UOIF sont chargés de chauffer la salle avant ses apparitions.
Publicité
Lors de notre enquête, plusieurs interlocuteurs ont reconnu avoir eu vent des conquêtes de celui qui a pourtant épousé une Française convertie, mère de ses quatre enfants. « Une jeune fille m’avait contacté, dit le professeur Seniguer. Je n’y ai pas donné suite. Puis un écrit qu’elle comptait publier m’est parvenu. Elle y racontait un autoritarisme, des frasques sexuelles, mais elle ne parlait pas de viol. » Ian Hamel et Caroline Fourest ont aussi recueilli des témoignages de relations intimes violentes, sans qu’il y ait de plainte déposée. L’homme qui a construit sa notoriété sur son image, sa prétendue morale, se trouve désormais en mauvaise posture. Depuis qu’il a été accusé de viol en France, il ne quitte pas son domicile londonien, à Wembley. Une enquête de police est en cours et d’autres plaintes pourraient être déposées. Ses accusatrices ne manqueront pas de rappeler le titre d’une de ses conférences : « De la responsabilité partagée entre les deux sexes pour le respect de la dignité de la femme. »
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