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Soraya
Soraya
Féminin Nombre de messages : 8
03072016
Homa, massacrée à 17 ans pour avoir dessiné son paradis  Paradi10
Homa, massacrée à 17 ans pour avoir dessiné son paradis
Chapitre 6


Il est 15h, avant de rentrer chez moi je décide de choisir une cassette vidéo chez mon ami Ramine qui tient une vidéothèque au sous sol d'un immeuble près de chez moi. Il est heureux de me voir, il accompagne de temps en temps Farid chez Jamshid mon professeur, je sais que la vidéothèque n'est pas son seul emploi. 
- Un western ça te dit ? 
- non censuré ? 
- mais bien sûr que si ! me dit il en éclatant de rire
Je prends la cassette vidéo, un baiser sur la joue et file.

C'est en arrivant dans ma rue que je sens une main sur mon épaule et une sorte de miaulement. 
Je me retourne. La mère de Homa se tient devant moi, pale et tremblante. Elle s'accroche à mes bras, ses ongles rentrent dans ma chair j'ai envie de hurler. Doucement  j'essaie de me libérer de ces griffes.
- Mais qu'est ce qui se passe?  Elle me regarde désemparée incapable de parler...
J'essaie de réfléchir: j'ai vu Homa quitter le lycée, à ma connaissance elle n'avait intégré aucun groupe, elle aimait dessiner et justement, était rentrée chez elle pour continuer un tableau. 

- Elle est morte !
- comment ? Mais non ! 
Ses paroles sont saccadées à travers ses larmes
- je suis arrivée en retard, j'ai voulu acheter le satin gris qu'elle aimait tant
J'essaie de la diriger vers la vidéothèque
- on va demander de l'aide 
Je suis abasourdie, je me dis qu'elle est peut être prise d'une folie ou d'une hallucination, avant de rentrer dans la vidéothèque je glisse un petit mot dans la boîte à cassette. Nous descendons doucement les marches. 

La vidéothèque est vide, Ramine est penché sur une étagère pour remettre de l'ordre, 
En nous entendant, il se lève, il est surpris de me revoir avec une femme en pleurs, il s'approche, je lui glisse dans la main la cassette, il ouvre la boîte et lis mon mot. Il se dirige vers la porte et ferme sa boutique.

J'essaie de me souvenir, Homa je ne la connaissais pas vraiment...
Elle était élève dans ma classe, ce jeudi matin je suis excitée à l'idée de retrouver mes amis chez Jamshid, cela me rend joyeuse, Mina aussi, elle a des yeux qui pétillent, tout et n'importe quoi nous fait rire, du comportement de mes camarades de classe jusqu'au discours de mes enseignantes...
Notre professeur de science naturelle dévie la discussion sur son voyage à la Mecque où elle a découvert des voyageurs venant de tout pays, notamment les africains à la peau noire, elle nous relate un anecdote où près de son campement des africaines résidaient, elle nous décrit la morphologie l'une d'elle, le nez aplati, les grosses lèvres proéminentes, une peau ferme, épaisse, elle insiste sur leur manque de pudeur, elle nous décrit une jeune mère , sa peau de couleur chocolat et ferme qui dès les premiers signes de pleurs de son bébé sortait son grand sein chocolat aux yeux de toutes pour l'allaiter Elle considère cette forme allaitement comme un désir mal sain...
Personne en classe ne sait pourquoi elle nous raconte cette histoire, est ce pour dire qu'elle a fait son hajj ou est-elle juste raciste ou jalouse de la belle peau chocolatée de la jeune fille africaine ... Alors qu'elle nous relate l'allaitement de la jeune maman je rétorque, les bébés africains ont de la chance, ils boivent du chocolat au lait...
C'est une vieille blague connue de tous, personnellement je souhaitais juste mettre un terme à l'histoire de l'enseignante, mais cela fait rire toute la classe, l'enseignante décrète que nous perturbons la classe, elle me change de place avec Fatemeh la voisine habituelle de Homa qui est réputée pour son calme et sa discrétion.

Homa parait ravie, elle fait une petite caresse sur la manche de mon manteau et me glisse "c'est chouette que tu sois là!" Je la regarde étonnée. Elle continue, "oui ça nous change de l'autre..."
Je sens Mittra derrière moi qui se penche "oui c'est chouette !"

Je jette un coup d'œil vers Mina qui me fait un grimace et montre du regard le manteau de Fatemeh ! Je baisse les yeux et remarque qu'elle a un chador autour de la taille, un détail que je n'avais jamais remarqué mais d'une grande importance, mais que fait-elle ici dans un lycée au nord de Téhéran, réputé pour ces habitants mécréants et pas vraiment croyants ?

Je comprends aux comportements de mes nouvelles voisines que Fatemeh a déjà instauré sa petite dictature... 
Cette fille est nouvelle dans la classe, je me souviens du premier jour lorsqu'elle s'est présentée, entendre le prénom Fatemeh m'avait amusée C'est un prénom typiquement islamique rarissime dans nos quartiers où les prénoms sont persans
- Je m'appelle Fatemeh avait-elle asséné
- Fatemeh ?!
- Oui Fatemeh, la fille de...
J'avais souri et murmuré peu importe... on s'en fout !
Mina m'avait donnée un coup de coude pour me faire taire...

Homa dessinait pour respirer un peu de liberté   
Homa touche mon bras à nouveau pour attirer mon attention, elle ouvre un cahier et me présente chaque page qu'elle tourne avec délicatesse pour éviter le moindre bruit susceptible d'éveiller l'attention de l'enseignante, le cahier est rempli de dessins, hommes et femmes, des paysages, de style réaliste qui ne manque pas d'élégance, je suis impressionnée par son talent et je lui en fait part, elle est simplement heureuse de ce partage.

Homa est orpheline de père et vit avec sa mère, elle m'explique que dessiner lui apporte une bouffée d'air et de liberté, elle a entrepris chez elle un grand tableau où elle souhaite représenter le paradis, c'est un grand travail qui durera sûrement plusieurs mois. Je lui dis que je serai heureuse, un jour de visiter son paradis.
Nous nous échangeons nos adresses, elle entoure mon prénom avec un grand cœur dans son cahier que je transforme en Mickey, elle en rit ... Je découvre donc une nouvelle Homa au travers de ses dessins, discrète sûrement mais aussi vive et libre.
Sa mère avait donc trouvé le cahier et mon adresse était la dernière inscription de Homa, elle avait reconnu l'uniforme de mon lycée de loin et en s'approchant s'était souvenue de moi comme étant une camarade de classe de Homa.

Je sens de plus en plus le poids du corps de cette femme, j'évite de justesse de la lâcher. 
Ramine se précipite pour la prendre par les épaules et la tient fermement.
Il me fait signe d'ouvrir une porte derrière le comptoir.
Derrière la porte  se trouve un salon avec 4 télévisions , plusieurs lecteurs de cassette vidéo, des câbles parcourent le sol et dessinent des formes arabesques, un canapé et deux fauteuils, plusieurs chaises dispersées et une petite table éloignée du matériel hi-fi  où sont disposés un samavar, tasses et biscuits... 

"Elle n'a plus de gorge, et son bras ..."
Ramine installe la mère de Homa dans le canapé, lui sert un thé sucré et l'encourage à le boire
- Votre fille est peut être juste blessée où habitez-vous ? je vais appeler un médecin,
- Non, elle est morte, elle n'a plus de gorge, et son bras ....
Elle laisse sa phrase en suspens. Nous la voyons plonger dans l'abîme.

Je n'arrive pas à la croire, je refuse de la croire, est-elle vraiment la mère de Homa ? Je la regarde de près, sous ses traits tirés et les larmes qui ont fait couler le maquillage, je reconnais les yeux d'amandes et les pommettes hautes de Homa.

Ramine se lève et passe un coup de fil, j'ai dû mal à entendre la conversation, Ramine murmure et évoque des fiançailles refusés et la jeune fille gravement triste, non Il n'y a plus rien à faire, venez avec Dr Moussa et donne l'adresse où a eu lieu ces fiançailles ratées. Je m'assois silencieuse auprès de cette mère éplorée.

Jamshid et Dr Moussa arrivent quelques minutes plus tard qui m'ont parues une éternité, Jamshid nous demande de lui accorder quelques minutes seul avec la mère de Homa, nous attendons dans la boutique , Docteur Moussa avec qui je fais connaissance pour la première fois, est un homme grand et élancé, d'une peau un peu foncée évoquant les gens du sud, des yeux perçants et profonds, il nous explique qu'il a appelé quelques uns de ses connaissances dans l'armée qui les attendent devant la maison de Homa pour découvrir la scène de l'agression.

Jamshid sort de la pièce muni des clefs, il me demande de rester auprès de la mère encore un peu avant d'envoyer une personne qui pourra l'héberger et prendre soin d'elle.  Jamshid s'est porté garant de la mère de Homa auprès de l'autorité islamique, j'ai ainsi découvert une autre facette de ce régime islamique où la femme a toujours besoin d'un homme pour se faire représenter et valider ses dires, Jamshid l'a accompagnée durant cette épreuve en étant parfois seul à donner les explications sur le déroulement des faits.

Le cauchemar se confirme 
Ils avaient trouvé la maison telle qu'elle avait décrit, en rentrant chez elle, elle avait déposé les courses alimentaires dans la cuisine, un plat à emporter encore sous emballage se trouvait sur la table, elle s'était dirigée vers le salon où elle avait déposé les autres courses, le tissu satin gris soigneusement emballé, les fils à coudre de couleur assorti et un magazine.
Elle avait senti un courant d'air et avait remarqué la porte du jardin ouverte et s'était étonnée de voir le foulard de Homa par terre, elle avait appelé sa fille sans obtenir de réponse, le sac à dos ouvert jonchait un peu plus loin coincé entre la porte du jardin et le mur du salon. 
La mère était sortie dans le jardin et avait découvert toutes les roses du jardin découpées, éparpillées un peu partout, elle avait continué jusqu'à la cave où elle avait découvert la scène. 
D'après l'enquête des militaires, Homa avait été agressée mortellement au moins par trois personnes, probablement au moment où elle ouvrait la porte d'entrée ... Elle a été assassinée sauvagement.

Le samedi suivant, la place de Homa était vide, mais Fatemeh  aussi manquait à l'appel, je n'ai pas fait attention au départ jusqu'à ce qu'on supprime définitivement la table de Homa et Fatemeh . On nous avait fait part du décès de Homa et les précautions à prendre pour ne pas tomber dans le même piège, mais aucune explication ne nous a été formulée pour l'absence définitive de Fatemeh . Les jours et les semaines passèrent Fatemeh s'était fait la malle.

Depuis quelques jours mes nuits sont agitées, je rêve de Homa, dans mon premier rêve elle apparait de dos, je reconnais sa silhouette, je me dirige vers elle mais elle accélère ses pas, je l'appelle elle se retourne et me sourit mais elle ne s'arrête pas, j'essaie de l'attraper mais une foule m'empêche d'avancer, je la regarde et je ne veux la perdre des yeux jusqu'aux pieds des montagnes où elle grimpe sans s'essouffler, malgré ma ténacité je n'arrive pas à la rejoindre, elle arrive au sommet de la montagne et se retourne et me regarde avec un grand sourire, avec sa main droite elle me fait signe pour me saluer ou me dire au revoir, mais peu à peu elle se penche en arrière et j'ai peur qu'elle tombe dans le vide, je crie pour l'alerter mais elle ne m'entend pas et quelques instants d'après elle disparaît dans le vide, je me réveille en sueurs. 
Dans mes autres rêves je la perçois se promener dans un parc au milieu des arbres ou alors je la vois pénétrer dans une boutique mais dès que je m'approche, la silhouette a déjà disparu...   

Massacrée pour avoir dessiner son paradis

Devant la bibliothèque de Jamshid je cherche un livre, je remarque les bordures dorés d'un livre de couleur bleue marine, attirée par ce livre, ma main l'attrape tel un aimant. J'ouvre le livre et je découvre des dessins familiers d'un autre temps qu'une jeune fille aux yeux amandes m'avait présentés, Jamshid s'approche doucement, je le regarde souffle coupé, que fait ce cahier ici ? Tant de questions apparaissent dans mon regard qui fusent vers l'homme qui se tient devant moi. 
Jamshid me fait signe de m'asseoir en me présentant un fauteuil.

Les premières pages présentent différentes parties du corps humain, les mains, les bras, les jambes avec les plans musculaires bien détaillés, jusqu'à ce que naissent des hommes et femmes, de toute évidence, Homa avait appris l'anatomie du corps humain avant de dessiner les corps dans leur intégralité. 
-pourquoi tu as son cahier? Tout en sachant que ce cahier avait bien sa place dans la bibliothèque de Jamshid, mais qu'est-ce que cela représentait réellement pour lui? 

Il m'explique que le jour de l'agression, la mère de Homa avait avec elle le cahier de Homa dans la vidéothèque, Jamshid avait demandé de consulter le cahier dans lequel elle avait trouvé mon nom et mon adresse, il avait de suite compris l'importance et la dangerosité de ce cahier, non pas parce que mon nom y figurait mais pour les dessins hommes et femmes nus, sous un régime islamique la condamnation est lourde, même à titre posthume, il avait donc proposé à la maman de lui confier le cahier et ne pas en faire mention.

En réalité le cahier de Homa se trouvait par terre au milieu du salon et c'était le premier signal  d'alerte pour la mère de Homa qui l'avait ramassé avant de trouver le corps de sa fille. Une fois hors de sa maison après avoir vagabonder titubant de chagrin, elle avait examiné ce cahier, voyant mon nom et adresse elle s'était naturellement dirigée vers mon domicile.
L'affaire terminée, elle avait déclaré à Jamshid qu'elle ne souhaitait pas récupérer ce cahier qui probablement avait causé la mort de sa fille ... 

Comment est-ce possible ?

Je pense alors à Fatemeh , avait elle vu ce cahier ? Ah sûrement, sinon pourquoi sa disparition soudaine ? Était-elle une bassiji (Police des mœurs) infiltrée ou en devenir ? Elle avait le profil en tout cas, avait-elle participé à cette agression mortelle ? ... 

L'Iran est déjà en guerre mais les islamistes tuent le peuple, la cruauté gagne du terrain chaque jour, entre les bombes et la charia islamique, le peuple se soumet, les sourires s'effacent...
A suivre...
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Commentaires

Calculette
Lun 4 Juil - 22:14Calculette
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