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Calculette
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Article de presse "Une vraie refonte de la fiscalité suppose l’adoption d’une flat tax" par Charles Beigbeder

Mar 26 Nov - 16:12
À la surprise générale, prenant de cours la plupart de ses interlocuteurs, y compris au sein de l’équipe gouvernementale, Jean-Marc Ayrault a annoncé mardi dernier dans Les Echos une remise à plat de la fiscalité : « Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, plaide le Premier ministre, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace […] Je crois que le temps est venu d’une remise à plat, en toute transparence, de notre système fiscal ».

À première vue, on ne peut qu’applaudir à une telle déclaration. Un système fiscal « complexe et quasiment illisible » ? Cela fait longtemps que nous dénonçons un droit fiscal largement indigeste, dont le code, fruit d’un empilement des législations successives, totalise plus de 3 000 pages, sans compter la jurisprudence. Une « remise à plat de notre système fiscal » ? On ne peut que s’en réjouir : le dernier « grand soir fiscal » remonte … à la Révolution française, qui avait mis à bas, pour le meilleur et pour le pire, la fiscalité d’Ancien Régime dont l’enchevêtrement des législations et règles coutumières était devenu illisible, provoquant un ras-le-bol fiscal et une remise en question du consentement à l’impôt. Une situation qui résonne étrangement à nos oreilles depuis ces derniers mois… Une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG comme l’avait promis le candidat Hollande (engagement n°14) mais qui paraissait depuis lors, avoir été abandonnée ? C’est une mesure de simplification dont il y a lieu de se réjouir !

Mais cette louable intention ne doit masquer ni l’impossibilité actuelle d’aboutir à une vraie remise à plat de la fiscalité, ni les conséquences désastreuses que pourraient entraîner une réforme adoptée sous l’empire de l’idéologie socialiste. Au final, il est fort à parier qu’une telle annonce génèrera une instabilité fiscale fortement handicapante pour les entreprises, tout en ne diminuant pas la pression fiscale pesant sur elles comme sur les ménages, pour finalement introduire toujours plus de progressivité dans l’impôt.

Un coup de bluff qui accroîtra l’instabilité fiscale

Il est vain de croire au « grand soir fiscal » en cours de mandat. Comment une annonce émanant d’un exécutif au plus bas dans les sondages et devant affronter une fronde fiscale sans précédent, pourrait-elle déboucher sur une quelconque réforme de fond ? C’est en début de mandature qu’il aurait fallu présenter une réforme de cette envergure, au cours des cent jours de l’état de grâce qui suivent l’élection. Aujourd’hui, le gouvernement ne bénéficie plus d’une légitimité suffisante pour pouvoir imposer son tempo et conduire une réforme de fond. Les reculades successives de l’exécutif et ses nombreux tâtonnements lors de la préparation du budget 2014 ont débouché sur une crise de confiance sans précédent, obligeant le gouvernement à gouverner sous la pression des évènements. De plus, une réforme, qui, selon le Président de la République, durerait le temps du quinquennat, ne ferait que générer une instabilité fiscale qui empêcherait les entreprises de pouvoir se projeter sur un moyen ou long terme indispensable à leur développement. Loin de leur simplifier leur tâche, un changement intempestif de textes les insécuriserait.

Pas de diminution de la pression fiscale

Ensuite, le Premier Ministre prend soin de préciser que la refonte fiscale s’effectuera « à prélèvements obligatoires constants ». Ce qui veut dire qu’il n’est nullement question de diminuer la pression fiscale pesant sur les ménages et les entreprises. Il ne s’agit que d’un rééquilibrage des impôts, transférant la charge des uns sur celle des autres. Si certains sont gagnants, d’autres seront nécessairement perdants. Et sans vouloir faire de procès d’intention, il serait logique que certaines catégories socio-professionnelles soient remerciées de leur fidélité au parti socialiste, quand d’autres, sociologiquement plus éloignées de la gauche, paieront cher le prix de leurs convictions politiques.

La gauche esclave du dogme de la progressivité

Enfin, la remise à plat de la fiscalité n’empêchera pas la gauche d’être fidèle à sa vision dogmatique de l’impôt. Au lieu de financer les charges publiques dont chacun bénéficie, l’impôt est devenu, pour les socialistes, un outil de redistribution sociale permettant un nivellement des niveaux de vie. Nul doute que dans le cas qui nous intéresse – à savoir la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG –, le gouvernement se contentera d’introduire une dose de progressivité au sein de la CSG, une fusion pure et simple se heurtant à de nombreux obstacles techniques impossibles à surmonter le temps du quinquennat. « La bonne réponse, c'est un impôt plus progressif, plus simple », reconnaît d'ailleurs Jean-Marc Ayrault lors des questions au gouvernement.

La progressivité de l’impôt ? C’est en effet l’horizon ultime de toute réforme entreprise par le gouvernement socialiste depuis dix-huit mois qu’il s’agisse de l’introduction d’une tranche d’impôt sur le revenu à 45%, de l’adoption d’un nouveau barème de l’ISF, ou encore de l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. En cela, les socialistes sont de fidèles héritiers de la pensée marxiste. En effet, la progressivité de l’impôt sur le revenu est une invention de Marx et Engels, qui affirmaient dans le Manifeste du Parti communiste (1848) qu’« un impôt sur le revenu lourdement progressif et graduel constituerait une des mesures grâce auxquelles, après la première étape de la révolution, le prolétariat utilisera sa suprématie politique pour retirer, par étapes, tout le capital aux bourgeois, pour centraliser tous les moyens de production dans les mains de l'Etat ».

Jean-Marc Ayrault veut-il vraiment « retirer le capital aux bourgeois » ? Le risque est fort, en vérité, que ce soit plutôt les classes moyennes qui pâtissent de l’idéologie socialiste. On sait en effet que l’impôt sur le revenu est dégressif pour les hauts revenus, en raison des nombreuses niches fiscales dont ils peuvent bénéficier. De plus, comme le souligne Michel Taly, avocat associé au cabinet Arsène Taxand, « pour rendre la CSG progressive, et donc alléger les taux sur les revenus les plus bas, il faudra faire payer plus les classes moyennes », déjà bien mises à contribution par le gouvernement, notamment par l’abaissement du plafond lié au quotient familial. Est-ce vraiment faire œuvre de justice ?

La nécessité d’une flat tax

Si l’on voulait vraiment simplifier le système fiscal, il faudrait commencer par supprimer la multitude d’impôts qui pèse actuellement sur les ménages – IRPP, ISF, CSG, CRDS et DMTG (droits de mutations à titre gratuit) – pour les remplacer par un impôt unique, ni progressif ni dégressif, taxant les revenus à hauteur de 15% (niveau des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement), taux réduit à 8% (niveau voisin de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement) en deçà de 20.000 € de revenus annuels. Toutes les niches fiscales seraient supprimées, à l’exception du quotient familial, afin d’adapter la fiscalité à la taille des ménages. Le système serait également étendu aux entreprises en lieu et place de l’impôt sur les sociétés.

Cette flat tax présenterait d’abord l’avantage d’augmenter les recettes fiscales de l’Etat. Dans une étude réalisée en 2006 pour le Conseil d’analyse économique, Christian Saint-Etienne avait calculé qu’en instaurant une flat tax de 13% sur tous les revenus servant de base aux différents impôts précités, on atteindrait le même niveau de recettes fiscales qu’avec le système fiscal alors en vigueur. Si l’on refaisait le même calcul aujourd’hui en se limitant, pour les besoins de l’étude, aux seuls impôts concernant les ménages, on trouverait un taux de l’ordre de 15%. À noter qu’il s’agit du taux que propose actuellement l’IREF (institut de recherches économiques et fiscales) pour la mise en place d’une flat tax sur les ménages.

Un tel taux « miracle », présentant le double avantage de collecter le même niveau de recettes tout en maintenant une faible pression fiscale, s’explique aisément quand on sait que dans le cas de l’IRPP, la moitié des foyers fiscaux n’acquitte pas l’impôt, en raison de la progressivité et des niches fiscales, et que ce dernier est dégressif pour les hauts revenus, qui bénéficient à plein rendement des niches.

Un faible taux d’imposition permet de diminuer « naturellement » la fraude et l’exil fiscal (qui représentent un manque à gagner annuel de 60Mds€), rend attractif notre pays aux investisseurs étrangers, augmente le pouvoir d’achat et la consommation des ménages (qui génèrent des recettes fiscales indirectes additionnelles), rend les entreprises plus compétitives, et permet de relancer la croissance économique. Cela s’appelle entrer dans un cercle vertueux.

Autre effet collatéral bénéfique : la diminution du coût administratif de recouvrement de l’impôt par les services fiscaux – qui mobilisent aujourd’hui une armada de fonctionnaires -, et l’allègement des contraintes pesant sur les agents économiques -ménages comme entreprises – obligés aujourd’hui d’investir du temps et de l’argent dans l’optimisation fiscale.

Une idée qui fait son chemin

Aujourd’hui, ce système a été adopté par une quarantaine de pays, dont la Russie et la plupart des pays d’Europe de l’Est, qui avaient besoin de repartir sur de nouvelles bases après l’enfer soviétique. L’exemple russe est éloquent : après avoir adopté une flat tax à 13% en 2001, l’État russe a vu ses recettes fiscales augmenter de près de 80% les trois années suivantes, avant de se stabiliser.

L’adoption d’une telle réforme requiert une volonté politique forte, prête à remettre à plat tout l’édifice actuel, et convaincue, comme Barthélémy de Laffemas, que « les hauts taux tuent les totaux ». Jean-Marc Ayrault sera-t-il le digne héritier du conseiller fiscal du roi Henri IV ? Aura-t-il des ardeurs réformatrices dignes d’un grand visionnaire ? Il est permis d’en douter.

Charles Beigbeder

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