CORÉE DU NORD La chine se lasse des provocations de Kim Jong-un
Sam 13 Avr - 12:02
La chine se lasse des provocations de Kim Jong-un Les capacités atomiques de Pyongyang et les provocations de Kim Jong-un agacent les Chinois, mais en fermant le robinet de l'aide, comme le demandent les Américains, Pékin risque de provoquer une fuite en avant du régime.
Par le correspondant du Figaro à Pékin
Le «petit frère» n'écoute plus personne. Kim Jong-un semble faire fi des admonestations de ses protecteurs chinois, las de ses belliqueuses fanfaronnades. Avant le troisième essai nucléaire, la presse officielle chinoise lui avait lancé un avertissement inédit, évoquant une possible «rupture» entre les deux pays. Si elle s'obstine, la Corée du Nord «devra payer le prix fort», a asséné un éditorial du Global Times, estimant que «l'aide qu'elle reçoit devra être réduite». Pékin, comme en décembre, a ensuite voté la résolution de l'ONU élargissant les sanctions.
Dimanche dernier, même s'il n'a pas cité la Corée du Nord, le président Xi Jinping a déclaré que «personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région, et à plus forte raison le monde entier, par égoïsme». L'opinion publique chinoise comme les analystes s'irritent aussi de plus en plus de la tragicomédie jouée à Pyongyang. Et ces temps-ci, même les milieux les plus conservateurs n'osent pas prendre publiquement la défense de la Corée du Nord. On note aussi que, de manière inhabituelle, les vols de bombardiers B2 américains n'ont pas suscité de forte indignation à Pékin.
Personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région
Xi Jinping, le président chinois
Alors, la rupture est-elle sur le point d'être consommée? Ou s'agit-il d'un grand théâtre, pour duper les spectateurs internationaux? La réalité se situe sans doute à mi-course. Entre Pékin et Kim Jong-un, le courant ne passe pas, c'est évident. Le jeune leader n'a toujours pas fait le traditionnel voyage en Chine. Son imprévisibilité agace les Chinois. Pour autant, sont-ils prêts à lâcher leur protégé? Certainement pas. En fermant radicalement le robinet de l'aide, Pékin risquerait de provoquer une fuite en avant. Voire un effondrement du régime, avec les risques de déstabilisation qui en découlent, un afflux de réfugiés et un renforcement des forces américaines dans la péninsule. La Corée du Nord dépend pour 90% de Pékin pour son énergie, et 80% pour ses biens de consommation. Et, alors que le torchon est censé brûler depuis un certain temps, les échanges commerciaux ont augmenté de près de 25% au premier semestre 2012.
En fait, à Pékin, deux lignes s'opposent. Tenants d'une politique nord-coréenne traditionnelle contre partisans d'une rupture. Dans le premier camp, on trouve notamment les hommes du Nord-Est chinois et des militaires de l'APL. Dans le second, les «stratégistes» de Pékin ou Shanghaï. «Ces derniers estiment que si la ligne Pyongyang contrarie les États-Unis et la Corée du Sud, elle est aussi néfaste désormais pour les intérêts chinois, estime le professeur Ting Wai de la Hong Kong Baptist University, sans pour autant accepter les sanctions économiques voulues par Washington, ils veulent donc bouger sur ce dossier.»
Un cauchemar pour Pékin
Ces experts se désoleraient que la Corée du Nord se refuse à suivre la voie chinoise des réformes économiques, comme a pu le faire le Vietnam. Surtout, ils avancent que les capacités atomiques de Pyongyang font poindre un cauchemar pour Pékin: que le Japon et la Corée du Sud ne décident eux aussi de se doter, en réponse, de l'arme nucléaire. «Or, depuis la fin de la guerre froide, la situation s'est détériorée pour la Chine, remarque Ting Wai, elle se retrouve entourée de nouvelles puissances nucléaires: Inde, Pakistan et Corée du Nord.» Sinologue basé à Hongkong, Jean-Pierre Cabestan estime, lui, que la stratégie chinoise ne change pas fondamentalement: la Corée du Nord «reste un état tampon avec les États-Unis et leurs alliés asiatiques». Du coup, Pékin ne s'inquiéterait guère des capacités nucléaires nord-coréennes, qui sont l'assurance-vie de ce régime.
Dans les cercles pékinois, les débats sont vifs. Il y a dix jours, le rédacteur en chef adjoint d'un journal affilié à l'École centrale du Parti, Deng Yuwen, a été suspendu pour avoir écrit dans le Financial Times des lignes par lesquelles il appelait la Chine à laisser tomber le régime de Pyongyang. Il y expliquait que la solidarité idéologique est obsolète, car «la Chine et la Corée du Nord, pourtant deux pays socialistes, ont maintenant plus de divergences que la Chine n'en a avec l'Occident». Le grand aggiornamento, on le voit, n'est pas si évident. John Kerry, pourtant, espère bien convaincre Pékin de faire peser une main plus lourde sur le jeune Kim.
Par le correspondant du Figaro à Pékin
Le «petit frère» n'écoute plus personne. Kim Jong-un semble faire fi des admonestations de ses protecteurs chinois, las de ses belliqueuses fanfaronnades. Avant le troisième essai nucléaire, la presse officielle chinoise lui avait lancé un avertissement inédit, évoquant une possible «rupture» entre les deux pays. Si elle s'obstine, la Corée du Nord «devra payer le prix fort», a asséné un éditorial du Global Times, estimant que «l'aide qu'elle reçoit devra être réduite». Pékin, comme en décembre, a ensuite voté la résolution de l'ONU élargissant les sanctions.
Dimanche dernier, même s'il n'a pas cité la Corée du Nord, le président Xi Jinping a déclaré que «personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région, et à plus forte raison le monde entier, par égoïsme». L'opinion publique chinoise comme les analystes s'irritent aussi de plus en plus de la tragicomédie jouée à Pyongyang. Et ces temps-ci, même les milieux les plus conservateurs n'osent pas prendre publiquement la défense de la Corée du Nord. On note aussi que, de manière inhabituelle, les vols de bombardiers B2 américains n'ont pas suscité de forte indignation à Pékin.
Personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région
Xi Jinping, le président chinois
Alors, la rupture est-elle sur le point d'être consommée? Ou s'agit-il d'un grand théâtre, pour duper les spectateurs internationaux? La réalité se situe sans doute à mi-course. Entre Pékin et Kim Jong-un, le courant ne passe pas, c'est évident. Le jeune leader n'a toujours pas fait le traditionnel voyage en Chine. Son imprévisibilité agace les Chinois. Pour autant, sont-ils prêts à lâcher leur protégé? Certainement pas. En fermant radicalement le robinet de l'aide, Pékin risquerait de provoquer une fuite en avant. Voire un effondrement du régime, avec les risques de déstabilisation qui en découlent, un afflux de réfugiés et un renforcement des forces américaines dans la péninsule. La Corée du Nord dépend pour 90% de Pékin pour son énergie, et 80% pour ses biens de consommation. Et, alors que le torchon est censé brûler depuis un certain temps, les échanges commerciaux ont augmenté de près de 25% au premier semestre 2012.
En fait, à Pékin, deux lignes s'opposent. Tenants d'une politique nord-coréenne traditionnelle contre partisans d'une rupture. Dans le premier camp, on trouve notamment les hommes du Nord-Est chinois et des militaires de l'APL. Dans le second, les «stratégistes» de Pékin ou Shanghaï. «Ces derniers estiment que si la ligne Pyongyang contrarie les États-Unis et la Corée du Sud, elle est aussi néfaste désormais pour les intérêts chinois, estime le professeur Ting Wai de la Hong Kong Baptist University, sans pour autant accepter les sanctions économiques voulues par Washington, ils veulent donc bouger sur ce dossier.»
Un cauchemar pour Pékin
Ces experts se désoleraient que la Corée du Nord se refuse à suivre la voie chinoise des réformes économiques, comme a pu le faire le Vietnam. Surtout, ils avancent que les capacités atomiques de Pyongyang font poindre un cauchemar pour Pékin: que le Japon et la Corée du Sud ne décident eux aussi de se doter, en réponse, de l'arme nucléaire. «Or, depuis la fin de la guerre froide, la situation s'est détériorée pour la Chine, remarque Ting Wai, elle se retrouve entourée de nouvelles puissances nucléaires: Inde, Pakistan et Corée du Nord.» Sinologue basé à Hongkong, Jean-Pierre Cabestan estime, lui, que la stratégie chinoise ne change pas fondamentalement: la Corée du Nord «reste un état tampon avec les États-Unis et leurs alliés asiatiques». Du coup, Pékin ne s'inquiéterait guère des capacités nucléaires nord-coréennes, qui sont l'assurance-vie de ce régime.
Dans les cercles pékinois, les débats sont vifs. Il y a dix jours, le rédacteur en chef adjoint d'un journal affilié à l'École centrale du Parti, Deng Yuwen, a été suspendu pour avoir écrit dans le Financial Times des lignes par lesquelles il appelait la Chine à laisser tomber le régime de Pyongyang. Il y expliquait que la solidarité idéologique est obsolète, car «la Chine et la Corée du Nord, pourtant deux pays socialistes, ont maintenant plus de divergences que la Chine n'en a avec l'Occident». Le grand aggiornamento, on le voit, n'est pas si évident. John Kerry, pourtant, espère bien convaincre Pékin de faire peser une main plus lourde sur le jeune Kim.
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