Oui à une identité nationale par Ghani BOUGUERRA
Jeu 3 Jan - 0:17
Oui à une Identité Nationale Républicaine
Par Ghani BOUGUERRA, Magistrat Ministère de la Justice
Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de Carpentras
L’identité nationale se définit comme un ensemble de valeurs philosophiques, culturelles et sociales auxquelles adhère, individuellement, chaque citoyen.
C’est par l’identification à un même corpus de valeurs et de comportements que se constitue une Nation.
Les valeurs qui fondent l’identité de la Nation Française sont celles rappelées dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et dans le préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958, notamment la laïcité, l’égalité entre homme et femme, les libertés de pensée, de conscience, d’association...
Dés lors, en quoi l’exigence envers tout candidat à vivre sur le sol de France d’adhérer aux valeurs précitées serait-elle constitutive d’une politique de rejet ou de discrimination ?
Le rejet et la discrimination ne seraient-ils pas, plutôt, nourris par ceux-là même qui, désireux d’importer leurs pratiques d’origine ou celles de leurs parents, pratiques parfois incompatibles avec les lois de la République, se refusent à toute intégration et rejettent les concepts de laïcité, d’égalité et de tolérance comme autant de symboles d’asservissement à un Occident décadent.
Refuser le partage de mêmes valeurs c’est refuser l’appartenance à la Nation et, partant, c’est refuser d’y prendre toute sa place et d’en partager un destin commun.
Pour autant s’intégrer ne signifie nullement se diluer dans la masse, s’effacer devant le groupe, mais d’en assumer, à égalité avec toutes les autres composantes de la Nation, et d’en revendiquer l’héritage politique et social, d’en partager un même idéal d’avenir, d’en endosser les symboles tels le drapeau, la devise ou l’hymne.
Siffler un hymne national, quel qu’il soit et a fortiori celui de son pays d’accueil ou d’adoption, de celui où l’on est né, où l’on a grandi, où l’on a reçu l’enseignement, les soins, l’aide sociale, c’est non seulement une bêtise, une incivilité de plus sur une liste déjà longue, mais aussi une injure aux parents émigrés, bâtisseurs de ce pays que les enfants désormais rejettent car pensant, parfois à raison, en être rejetés.
Car, là est le nœud de tout le problème : ce sont ces mêmes jeunes qui ont exulté lors de la victoire d’une France métissée et plurielle, porteuse de tant d’espoirs, au Mondial de 1998, qui ont massivement voté pour J. CHIRAC aux élections présidentielles de 2002 pour faire barrage à l’idéologie de rejet et revendiquer toute la place que d’aucuns leur déniaient dans la République, qui, aujourd’hui, vocifèrent et sifflent, y compris leurs propres coreligionnaires ou compatriotes, qui brûlent les voitures, souvent celles de leurs propres voisins aussi rejetés et démunis qu’eux, qui chassent les services publics et les commerces de proximité par leurs agressions ou leurs larcins répétés.
Comment, ainsi, peut-on s’en prendre aux pompiers, ces gens qui soignent, ces gens qui sauvent, ces gens qui ne se préoccupent ni de l’origine ni de la couleur, ces gens dont le courage, l’abnégation, la volonté de sauver des vies, conduisent nombre d’entre eux, chaque année, à la mort ?
Cela démontre toute la complexité de la situation et, partant, de toute solution qui pourrait y âtre apportée.
Comment en est-on arrivé là ?
Plusieurs raisons y concourent, bien évidemment, et c’est l’amalgame explosif de toutes qui produit ce phénomène.
Les sociologues expliqueront, sans doute, bien mieux que moi le refus de ces jeunes de ressembler à leurs parents, déracinés pour gagner leur pain quotidien, déculturés car n’ayant rien conservé de leur culture d’origine, souvent méconnue d’ailleurs, et imperméables, pour cause d’illettrisme, à la culture du pays d’accueil, humiliés et parqués dans des cités ghettos.
Il y a, aussi, ce fameux “gap des générations”, encore plus criant en l’espèce car les parents, “cristallisés” dans d’ancestrales pratiques ou pensées, et leurs enfants, nourris aussi bien au rap de Harlem qu’au raï d’Oran, ne possèdent plus rien en commun hormis un seul héritage, transmis si mal et de façon si parcellaire, qu’est la religion sensée être leur ciment commun et qui n’est devenue, en réalité, qu’un enfermement de plus, un voile mis sur l’extraordinaire incompréhension, et du coup l’immense méfiance, que voue chaque communauté à l’égard de l’autre.
Mais il y a aussi, et ce n’est sans doute pas négligeable, les erreurs politiques accumulées pendant des décennies par les uns et les autres, quelle que soit leur couleur politique : une démission générale devant les petits caïds de banlieue, un défaut de valorisation des jeunes talents des quartiers, une absence de nominations courageuses aux postes de responsabilité, une volonté manifeste de dé-responsabilisation des parents par une politique éducative inadaptée et humiliante, des discours de circonstance inutilement vexatoires et ressentis comme des agressions...
Mais les choses évoluent, certes lentement, et le visage tant politique que médiatique de la France change et c’est tant mieux. Rien de mieux pour faire comprendre à ces jeunes que la France ‘d’en haut” ne les rejette que de la faire ressembler à la France réelle, à la France plurielle qu’ils voient et vivent au quotidien.
Mais, il y a, enfin et surtout, cette fatale erreur qui a été de supprimer tout rituel d’agrégation dans le groupe : mettre fin au service national c’était mettre fin à l’intégration.
Le service national constituait le creuset où se rassemblaient des jeunes Français de toutes régions, de toutes origines, de toutes cultures ou religions, la finalité étant d’en faire des citoyens respectueux de l’ordre, de l’hymne, du drapeau, des citoyens adultes et responsables, des citoyens avec lesquels la République reconnaissait et acceptait le lien de filiation.
Au passage, certains y glanaient des avantages personnels, outre celui de s’être construit une citoyenneté, et revenaient auprès des leurs, une formation ou un permis de conduire en poche.
Certes, tout n’était pas parfait et il y avait manifestement nécessité de réformer cette institution mais certainement pas de la supprimer.
Aussi, je plaide instamment auprès de nos gouvernants, au premier chef le Président de la République, pour qu’ils rétablissent l’impératif rituel d’agrégation et mettent en place un Service National Citoyen, d’une durée de trois à six mois, qui permettent aux jeunes Français, quel qu’en soit l’horizon, de se côtoyer, de se connaître, de comprendre leurs parcours de vie respectifs, de se tolérer, de s’accepter mutuellement, de partager leurs envies, leurs projets, leurs idéaux et de dessiner ensemble un avenir qui, qu’ils le veuillent ou non, est et restera commun.
Par Ghani BOUGUERRA, Magistrat Ministère de la Justice
Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de Carpentras
L’identité nationale se définit comme un ensemble de valeurs philosophiques, culturelles et sociales auxquelles adhère, individuellement, chaque citoyen.
C’est par l’identification à un même corpus de valeurs et de comportements que se constitue une Nation.
Les valeurs qui fondent l’identité de la Nation Française sont celles rappelées dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et dans le préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958, notamment la laïcité, l’égalité entre homme et femme, les libertés de pensée, de conscience, d’association...
Dés lors, en quoi l’exigence envers tout candidat à vivre sur le sol de France d’adhérer aux valeurs précitées serait-elle constitutive d’une politique de rejet ou de discrimination ?
Le rejet et la discrimination ne seraient-ils pas, plutôt, nourris par ceux-là même qui, désireux d’importer leurs pratiques d’origine ou celles de leurs parents, pratiques parfois incompatibles avec les lois de la République, se refusent à toute intégration et rejettent les concepts de laïcité, d’égalité et de tolérance comme autant de symboles d’asservissement à un Occident décadent.
Refuser le partage de mêmes valeurs c’est refuser l’appartenance à la Nation et, partant, c’est refuser d’y prendre toute sa place et d’en partager un destin commun.
Pour autant s’intégrer ne signifie nullement se diluer dans la masse, s’effacer devant le groupe, mais d’en assumer, à égalité avec toutes les autres composantes de la Nation, et d’en revendiquer l’héritage politique et social, d’en partager un même idéal d’avenir, d’en endosser les symboles tels le drapeau, la devise ou l’hymne.
Siffler un hymne national, quel qu’il soit et a fortiori celui de son pays d’accueil ou d’adoption, de celui où l’on est né, où l’on a grandi, où l’on a reçu l’enseignement, les soins, l’aide sociale, c’est non seulement une bêtise, une incivilité de plus sur une liste déjà longue, mais aussi une injure aux parents émigrés, bâtisseurs de ce pays que les enfants désormais rejettent car pensant, parfois à raison, en être rejetés.
Car, là est le nœud de tout le problème : ce sont ces mêmes jeunes qui ont exulté lors de la victoire d’une France métissée et plurielle, porteuse de tant d’espoirs, au Mondial de 1998, qui ont massivement voté pour J. CHIRAC aux élections présidentielles de 2002 pour faire barrage à l’idéologie de rejet et revendiquer toute la place que d’aucuns leur déniaient dans la République, qui, aujourd’hui, vocifèrent et sifflent, y compris leurs propres coreligionnaires ou compatriotes, qui brûlent les voitures, souvent celles de leurs propres voisins aussi rejetés et démunis qu’eux, qui chassent les services publics et les commerces de proximité par leurs agressions ou leurs larcins répétés.
Comment, ainsi, peut-on s’en prendre aux pompiers, ces gens qui soignent, ces gens qui sauvent, ces gens qui ne se préoccupent ni de l’origine ni de la couleur, ces gens dont le courage, l’abnégation, la volonté de sauver des vies, conduisent nombre d’entre eux, chaque année, à la mort ?
Cela démontre toute la complexité de la situation et, partant, de toute solution qui pourrait y âtre apportée.
Comment en est-on arrivé là ?
Plusieurs raisons y concourent, bien évidemment, et c’est l’amalgame explosif de toutes qui produit ce phénomène.
Les sociologues expliqueront, sans doute, bien mieux que moi le refus de ces jeunes de ressembler à leurs parents, déracinés pour gagner leur pain quotidien, déculturés car n’ayant rien conservé de leur culture d’origine, souvent méconnue d’ailleurs, et imperméables, pour cause d’illettrisme, à la culture du pays d’accueil, humiliés et parqués dans des cités ghettos.
Il y a, aussi, ce fameux “gap des générations”, encore plus criant en l’espèce car les parents, “cristallisés” dans d’ancestrales pratiques ou pensées, et leurs enfants, nourris aussi bien au rap de Harlem qu’au raï d’Oran, ne possèdent plus rien en commun hormis un seul héritage, transmis si mal et de façon si parcellaire, qu’est la religion sensée être leur ciment commun et qui n’est devenue, en réalité, qu’un enfermement de plus, un voile mis sur l’extraordinaire incompréhension, et du coup l’immense méfiance, que voue chaque communauté à l’égard de l’autre.
Mais il y a aussi, et ce n’est sans doute pas négligeable, les erreurs politiques accumulées pendant des décennies par les uns et les autres, quelle que soit leur couleur politique : une démission générale devant les petits caïds de banlieue, un défaut de valorisation des jeunes talents des quartiers, une absence de nominations courageuses aux postes de responsabilité, une volonté manifeste de dé-responsabilisation des parents par une politique éducative inadaptée et humiliante, des discours de circonstance inutilement vexatoires et ressentis comme des agressions...
Mais les choses évoluent, certes lentement, et le visage tant politique que médiatique de la France change et c’est tant mieux. Rien de mieux pour faire comprendre à ces jeunes que la France ‘d’en haut” ne les rejette que de la faire ressembler à la France réelle, à la France plurielle qu’ils voient et vivent au quotidien.
Mais, il y a, enfin et surtout, cette fatale erreur qui a été de supprimer tout rituel d’agrégation dans le groupe : mettre fin au service national c’était mettre fin à l’intégration.
Le service national constituait le creuset où se rassemblaient des jeunes Français de toutes régions, de toutes origines, de toutes cultures ou religions, la finalité étant d’en faire des citoyens respectueux de l’ordre, de l’hymne, du drapeau, des citoyens adultes et responsables, des citoyens avec lesquels la République reconnaissait et acceptait le lien de filiation.
Au passage, certains y glanaient des avantages personnels, outre celui de s’être construit une citoyenneté, et revenaient auprès des leurs, une formation ou un permis de conduire en poche.
Certes, tout n’était pas parfait et il y avait manifestement nécessité de réformer cette institution mais certainement pas de la supprimer.
Aussi, je plaide instamment auprès de nos gouvernants, au premier chef le Président de la République, pour qu’ils rétablissent l’impératif rituel d’agrégation et mettent en place un Service National Citoyen, d’une durée de trois à six mois, qui permettent aux jeunes Français, quel qu’en soit l’horizon, de se côtoyer, de se connaître, de comprendre leurs parcours de vie respectifs, de se tolérer, de s’accepter mutuellement, de partager leurs envies, leurs projets, leurs idéaux et de dessiner ensemble un avenir qui, qu’ils le veuillent ou non, est et restera commun.
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