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Article de presse Richard Robert, alias Abou Abderrahmane, 1er djihadiste français témoigne

Jeu 23 Juil - 13:16
Richard Robert, alias Abou Abderrahmane, 1er djihadiste français témoigne  Bernar10

En 2003, Richard Robert, 31 ans, alias Yacoub, alias Abou Abderrahmane, également connu comme "l’Émir aux yeux bleus" ou le " "Mollah de Saint-Étienne" était jugé par la Cour Criminelle de Rabat (Maroc).  Les chefs d’accusation étaient très sévères : "atteinte à la sûreté de l’Etat" et "appartenance à une bande criminelle terroriste",  en l’espèce était visée ici sa participation  à l’organisation de camps d’entraînement djihadistes dans le Nord du Royaume pour lancer une campagne visant à déstabiliser la monarchie et instaurer un Etat islamiste.


Le texte de Richard Robert, première partie
Le but de cet essai est d’examiner la part de responsabilité de la religion dans le basculement des individus vers le terrorisme.

L’organisation de l’État Islamique (EI ou Da’ech) et le nombre croissant de jeunes occidentaux qui la rejoignent dominent actuellement le débat politique dans les médias. La quasi-totalité des experts examinent ce phénomène de la hijra (l’émigration des musulmans des pays non-musulmans vers des terres vraiment musulmanes, c’est-à-dire des États qui ressemblent à la société musulmane du temps de Mahomet et des califes « bien-guidés ») sous un angle purement sociologique et social et concluent d’une même voix qu’il n’y a aucune corrélation entre l’islam et l’islamisme radical. Selon cette conception, le véritable islam n’enverrait dans le monde qu’un message de paix et d’amour. Cette perception quasi officielle de l’islam est contestée par certaines voix indépendantes et par une partie des peuples occidentaux. Contrairement aux élites, ils voient dans l‘hijra la preuve des méfaits d’une immigration massive et incontrôlée. L’augmentation du prosélytisme musulman sur le sol français allant de pair avec le nombre croissant d’adeptes de cette religion qui reproduiraient les appels au meurtre contenus dans le Coran.

La question qui se pose est donc : l’islam, est-il vraiment vierge de tout le sang versé, notamment en Syrie et en Irak, ou est-il au contraire la source qui incite nombre de jeunes croyants à faire le djihad ? Le but de cet essai est d’examiner la part de responsabilité de la religion dans le basculement des individus vers le terrorisme.

Tous les prétendants à l’hijra se réclament d’un Islam pur et originel. Pour cette raison, nous avons jugé opportun de nous pencher sur l’argumentation religieuse des candidats au djihad et de la comparer dans un premier temps à l’orthodoxie sunnite, telle que les oulémas (les instances religieuses officielles) l’enseignent. Puis, dans un deuxième temps nous confronterons l’argumentation djihadiste à l’Islam officiel d’État, qui est inculqué aux Musulmans dès leur plus jeune âge par le biais de l’école. À cette fin, nous étudierons le contenu des manuels scolaires marocains.

Nous conclurons l’essai avec l’analyse de l’ensemble des mouvements islamistes pour déterminer si les mouvements opérant en France ont leur part de responsabilité dans l’endoctrinement des jeunes au djihadisme.

Zoom sur la sémantique (le langage) d’une convertie à l’Islam de l’État Islamique

« Maman, quand tu liras ces lignes, je serai loin. Je serai sur la terre promise, le Sham, en sécurité. Parce que c’est là-bas que je dois mourir pour aller au paradis. Je sais que tu ne vas pas comprendre parce que tu n’es pas élue. Mais moi, j’ai eu accès à la vérité. J’ai été choisei et j’ai été élue. Je sais ce que tu ignores : c’est maintenant la fin du monde, maman. Tous les humains vont finir en enfer, sauf ceux qui ont combattu ave le dernier imam au Sham. »

À première vue, les paroles de cette jeune convertie à l’islam qui est partie en Syrie pour sauver son âme ressemblent au délire mystique de certains adeptes de sectes. Mais dans un contexte où des milliers d’Européens ont rejoint les rangs des djihadistes du Levant (totalisant le chiffre global des mercenaires musulmans à 15 000 en juillet et à 30 000 en octobre 2014 selon le dernier rapport de la CIA), il serait trop simple d’en rester là. Il faut donc examiner pourquoi l’EI attire des musulmans du monde entier et sur quelles bases théologiques il fonde sa légitimité à s’autoproclamer « califat » en conformité avec la voie tracée par Mahomet et les « califes bien guidés ».

Les hadiths (récits de la vie du prophète Mahomet) à caractère messianique, qui ont été propagés massivement dans le monde musulman à partir des années 1990 par l’Arabie Saoudite, livrent une première explication du phénomène. On peut résumer la teneur de ces hadiths comme suit :

Vers la fin des temps, l’oumma islamique entrera en guerre contre les Roumis (occidentaux), le Sham (terme arabe correspondant à peu près au terme françaisLevant) sera assiégé et un imam, l’élu attendu pour restaurer la religion dans sa pureté originelle, conduira les croyants à la victoire sur leurs ennemis ; la Perse sera conquise (l’Iran), ensuite la Palestine (Israël), puis viendra enfin le tour de Rome.

Les hadiths anticipent donc la création d’un État islamique dans la région du Levant. Ce califat est présenté comme l’aboutissement de l’Histoire et tous les conflits politico-militaires actuels sont interprétés comme des précurseurs de la grande victoire finale de l’Islam sunnite sur les ennemis de la vraie foi. Les hadiths messianiques permettent donc à l’EI de se doter d’une légitimité théologique, et le chef de l’organisation, Abou Bakr al Baghdadi alias Calife Ibrahim, peut revendiquer l’autorité de dernier imam et guide suprême du monde musulman.

Une deuxième source dont les djihadistes tirent leur légitimité réside à la fois dans le Coran et l’application de lashari’a dans sa version la plus stricte. Il faut donc savoir ce qu’est le Coran, comment il faut le lire et l’interpréter ainsi que ce qui est la shari’a.

Le Coran, le livre saint des musulmans, est divisé en 114 sourates composées d’un nombre très variable de versets qui ont trait à la Foi et à la Loi (Shari’a), et qui ont pour objet les rapports de l’homme à Allah, le dieu des musulmans, ainsi que les rapports de l’homme avec ses semblables.

Pour les musulmans, ces versets ont été récités par Mahomet tout au long de sa vie et certains ont été une réponse à une situation donnée dans un contexte particulier.

Au IXe siècle après J.-C., des règles très strictes relatives à l’interprétation du Coran ont été élaborées par Al Shaféi dans son ouvrage Alrissala. Elles constituent une discipline normative de l’Islam classique. Parmi ces nombreuses règles figure celle de l’abrogation des versets antérieurs par les versets ultérieurs dans la révélation. Cette distinction entre versets abrogés et versets abrogeant renvoie à deux périodes de l’histoire de Mahomet et de son Coran.

Les versets abrogés correspondent à la période lors de laquelle Mahomet a du se retirer à La Mecque parce qu’il était rejeté par la majorité de ses semblables, ostracisé et même réduit à une position de grande faiblesse. C’est durant cette période que Mahomet a formulé les appels à un prosélytisme pacifique dont les versets suivants donnent un aperçu :

« Ne discutez avec les gens du Livre (chrétiens et juifs) qu’avec précaution et de belle manière » (XXIX, v. 46) ; « Certes, les juifs, les chrétiens et les sabéens, tous ceux qui ont cru en Dieu, ils n’auront point peur et ne seront point attristés » (II, v. 62) ; « Ô, gens du Livre, venez à une parole commune entre vous et nous : nous n’adorons que Dieu, nous ne lui associons rien » (III, v. 64)…

Dix ans après la proclamation de sa révélation, Mahomet a été invité à Médine en raison de son autorité personnelle pour arbitrer une querelle de tribus. Puis, en tant que prophète, il est devenu le législateur de Médine et s’est employé peu à peu à construire une société sur des bases religieuses afin de remplacer la société tribale. Grâce à son statut, il a acquis à Médine un pouvoir politique et militaire bien supérieur à ce qu’il pouvait revendiquer un simple arbitre. L’autorité de Mahomet était donc religieuse et non pas légale. Son but n’était pas de créer un nouveau système juridique, mais d’enseigner aux hommes comment agir et ce qu’il fallait éviter afin de se bien préparer au jugement dernier. L’islam est un système de devoirs mettant sur le même plan des obligations rituelles, morales et légales qui sont soumises toutes à l’autorité du même impératif religieux.

C’est durant cette période à Médine que sont apparus les versets relatifs à la guerre, ceux déterminant quels ennemis peuvent être combattus et comment le vaincu doit être traité. En voici quelques-uns :

« Ô, croyants ! Ne prenez point pour amis et protecteurs les juifs et les chrétiens » (V, v. 56) ; « Puisse Allah les maudire » (IX, v. 30) ; « Oui, ceux qui disent : Dieu est le Messie, fils de Marie, sont impies » (V, v. 72) ; « Ne montrez point de lâcheté et n’appelez point les infidèles à la paix quand vous leur êtes supérieurs » (XXXXVII, v. 38) ; « Ô, vous qui croyez : Combattez les incroyants qui sont près de chez vous et qu’ils trouvent en vous de la rudesse » (IX, v. 124) ; « Que les croyants ne prennent pas pour allier les mécréants. Quiconque fait cela n’a rien d’Allah, à moins que vous ne les craigniez » (III, v. 28) ; « La rétribution de ceux qui guerroient contre Allah et son envoyé et qui s’empressent de corrompre sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupés leur mains et leurs pieds opposés, ou qu’ils soient bannis de la terre » (V, v.33).

On le voit, le Coran comprend à la fois des appels à la cohabitation pacifique et à la tolérance, mais aussi d’autres imprécations extrêmement cruelles et inhumaines qui appellent les musulmans à la ségrégation et au combat contre les infidèles. Comme les derniers versets priment sur les premiers selon la norme interprétative officielle de l’islam sunnite, on peut en conclure que les djihadistes de l’EI ne font qu’appliquer l’enseignement des oulémas (corps des théologiens sunnites) quand ils massacrent tous ceux qu’ils considèrent comme des infidèles.

Faut-il donc lire les derniers attentats en France et en Belgique contre les juifs (Merah, Nemmouche, A. Coulibaly) aussi dans la lumière des imprécations coraniques, et attribuer principalement la haine viscérale des djihadistes envers le peuple juif à ses racines, ou plutôt dans la transposition du conflit israélo-palestinien ? Cette dernière thèse est celle de certains esprits bien-pensants.

Pour voir si cet argument tient la route suivons le philosophe et psychanalyste Daniel Sibony qui a décrypté le conflit israélo-palestinien sous l’angle des relations du Dieu musulman au peuple juif : « Le Coran est apparu au VIIe siècle après J.-C., son contenu principal est fait d’histoires de la Bible et des appels qu’elle comporte. Il fait défiler les grands personnages bibliques qui racontent leur histoire ; à quelques détails près, mais qui se révèleront importants, c’est leur histoire telle qu’elle est dans le livre hébreu. »

Ici, il faut ouvrir une courte parenthèse historique qui explique les conditions de l’apparition du Coran au VIIe siècle après J. C. Contrairement au mythe selon lequel Mahomet était un prophète illettré (d’où le miracle de sa récitation du coran), celui-ci savait bel et bien lire et écrire, puisque quelques jours avant sa mort, il a réclamé de quoi écrire afin de rédiger son testament.

La reprise des grands personnages bibliques dans le coran s’explique du fait que Mahomet a étudié pendant des années auprès du cousin de sa première femme, un chrétien unitariste dont il s’est inspiré pour réécrire la Bible selon ses ambitions personnelles. Cet homme est présenté de la façon suivante dans le recueil de hadiths dont la validité fait consensus dans le monde musulman :

« Khadija conduisit Mahomet chez son cousin Warraqa bin Nawfal. Celui-ci avait embrassé le christianisme et avait pris l’habitude de transcrire l’écriture hébraïque et l’Évangile de l’hébreu. »

Refermons la parenthèse et poursuivons avec Daniel Sibony : « Le Coran fait donc défiler les grands personnages bibliques, mais avec une conclusion qui peut paraître banale bien qu’elle constitue le fondement de la légitimité de Mahomet, à savoir l’expression nous sommes soumis à Dieuqui, en arabe, signifie : nous sommes musulmans. »

Ainsi, Abraham, Isaac, Joseph, Salomon, Jonas, Moïse, Jésus, Marie…, tout ce monde est, dans le coran, musulman. Le coran accueille tous les hébreux de la Bible, à commencer par Moïse, parce qu’en même temps il les a islamisés.

Cela ne va pas sans chocs avec la réalité, car, si Moïse est musulman, les Juifs qui se réclament de lui sont aussi musulmans — sauf s’ils trahissent Moïse, ce qui leur ressemblerait : leur Bible est pleine de reproches quant à leur désobéissance. Celle-ci est brandie par le Coran, tout au long de son texte et non pas seulement dans quelques versets.

En effet, alors que dans la Bible, Dieu tantôt se déchaine en reproches à cause de la désobéissance de son peuple, tantôt leur dit des paroles d’amour et d’espoir, l’acte d’innovation qui caractérise la relation du dieu du Coran avec le peuple juif est qu’il supprime toute parole d’amour envers ce peuple. Ou plutôt, ces paroles d’amour sont toujours au passé, pour mieux mettre en valeur la trahison intrinsèque des « gens du livre (juifs et chrétiens), trahison qu’ils réitèrent en ne suivant pas Mahomet ».

La désobéissance biblique des hébreux qu’eux-mêmes se plaisent à reconnaître dans leur livre dans l’espoir de s’améliorer, a dans le coran valeur d’insoumission, confirmée par le fait qu’ils refusent l’islam. En ne retenant que les paroles de Dieu envers le peuple juif ponctuées de malédictions, le coran fait un arrêt sur image et pose que le Dieu de la Bible, devenu Allah, a maudit le peuple juif jusqu’au jour du jugement dernier. »

Dans son analyse, Daniel Sibony suit la logique des djihadistes qui rejettent toute historicisation des versets du Coran. « Cette vindicte qui traverse tout le Coran est structurelle et n’a pas pour enjeux de redresser ces petites tribus juives récalcitrantes. Mais de prendre l’entité juive, ancrée dans la Bible, comme modèle du négatif, symbole du mal. Il s’agit ici de justifier la reprise par le Coran du contenu biblique ».

Poursuivant sa logique jusqu’au bout, Daniel Sibony déclare que « l’islam produit l’intégrisme et produit Al-Qaïda en tant que cri de souffrance venu du fond de l’identité islamique en butte à la réalité. Cette identité était supposée pleine et les autres, juifs et chrétiens, étaient supposés maudits, et voilà qu’ils réussissent à exister et que nombre de musulmans veulent vivre comme eux. »

C’est aussi l’argument avec lequel les djihadistes essaient de légitimer le recours à la violence : la cause du retard de l’Islam se trouverait dans le courroux d‘Allah à l’égard des Musulmans qui ont abandonné la voie de Mahomet et qui ont choisi de vivre pacifiquement avec les infidèlesau lieu de les combattre.

En effet, comme l’enseignement coranique classique considère les versets comme immuables, l’appel au combat contre les juifs (ou plus largement contre tous les infidèles) reste éternellement valable. Les djihadistes solitaires aussi bien que les djihadistes de l’EI agissent donc en parfaite conformité avec l’enseignement de nombreux oulémas. Par conséquent, il faut constater que la violence envers les infidèles, et notamment les juifs, fait partie intégrale de l’islam tel qu’il est enseigné depuis quatorze siècles.

L’argument du conflit israélo-palestinien comme source de la violence est donc invalidé par les oulémas eux-mêmes. Si les islamistes modérés se servent quand même de cet argument, c’est afin de pouvoir appeler la communauté internationale à sanctionner Israël.

Le constat que la violence est inhérente à l’islam est édifiant et même terrorisant ; quelles sont donc la ou les solutions pour contrer la menace djihadiste ? Daniel Sibony poursuit : « Au fil des actes terroristes perpétrés au nom d’Allah et dont le degré de barbarie émeut l’opinion, les musulmans éclairés se sentent interpelés et proclament que ces actes, ce n’est pas l’islam, que c’est contre l’islam. Et ils citent à l’appui des versets du coran, par exemple : Ne tuez pas, sauf à bon droit, votre prochain que Dieu a déclaré sacré (VI, v.15). Mais les terroristes considèrent que c’est à bon droit qu’ils tuent. Ces musulmans éclairés font aussi croire que seule la légitime défense justifie le djihad, l’appel à combattre dans la voie de Dieu ses adversaires, alors que cet appel est un appel positif. Du coup, ce n’est donc peut-être pas à partir des versets du Coran qu’on peut récuser l’intégrisme et le terrorisme, mais à partir d’une décision prise aujourd’hui de contredire le texte tout en étant musulman. À notre époque s’offre à l’Islam une épreuve que les deux autres religions ont connue : situer le texte comme un fond de sainteté, tantôt digne d’être lu de façon critique, tantôt posé comme sacré sans discussion, mais pas comme programme d’action ou comme lunette pour voir les autres ».

Ainsi selon Daniel Sibony, la seule solution pérenne permettant de lutter efficacement contre l’extrémisme serait de repenser les rapports au texte, de formuler une méthodologie qui permette de rejeter tout verset contraire aux valeurs et autres droits fondamentaux contemporains. En d’autres termes, Sibony propose l’historisation des versets violents.

En théorie, cette piste semble prometteuse car l’historisation réglerait définitivement le problème de la violence. Mais en réalité cette voie n’est pas suivie par ceux qui sont en France en première ligne du combat contre l’embrigadement des jeunes. La proposition pour déconstruire l’argumentation djihadiste de Dounia Bouzar en est un exemple :

« Al-Qaïda repose sur la redéfinition du djihad. Normalement, en islam, seul un gouvernement peut décider de se mettre en légitime défense si son territoire est attaqué, et selon des conditions très strictes. Il y a un lien direct entre un peuple, un territoire et le djihad défensif. Le djihad n’est jamais individuel. C’est un des proches de Ben Laden, Abdallah Azzam, qui a rompu avec quatorze siècles d’interprétation de l’islam : Il a décidé que le djihad était une obligation individuelle quel que soit le territoire attaqué. Cela lui a permis de déclarer infidèles les musulmans qui n’étaient pas d’accord avec lui. »

À première vue cette approche paraît pertinente. Tenter de faire le parallèle entre Al-Qaïda et l’EI permet de mettre sur le même pied le Califat et l’organisation terroriste. Comme l’organisation de Ben Laden s’est rendue coupable d’attentats dans nombre de pays musulmans Al-Qaïda provoque en général un sentiment de rejet chez la plupart des musulmans et a seulement un nombre restreint d’adeptes. Tenter de rapprocher l’EI de cette organisation terroriste pourrait donc théoriquement délégitimer l’action des djihadistes du Levant.

Toutefois, il y a un hic. La doctrine d’Al-Qaïda repose effectivement sur une internationalisation, et depuis 2001, sur une individualisation du djihad grâce à Abdallah Azzam. Mais en s’autoproclamant restaurateur du Califat selon la voie tracée par Mahomet et les califes bien-guidés, l’EI ne nie pas seulement tout lien avec l’organisation de Ben Laden mais il se donne une légitimité etune autorité politico-religieuse incontestable. Et fort de cette légitimité et autorité l’EI peut reprendre la définition du djihad de Bouzar !

Selon cette perspective, le calife al-Baghdadi (le gouvernement) peut décider de se mettre en légitime défense si la terre musulmane sunnite (son territoire) est attaquée. Comme démontré antérieurement, tout comportement non-islamique est considéré comme une attaque de l’islam, contre l’ordre établi par Allah au commencement.

Dans cette logique, la guerre d’extinction contre les chrétiens orientaux et les yézidis aussi bien que contre les hérétiques musulmans, notamment les alaouites qui détiennent le pouvoir en Syrie, et les chiites qui dominent le gouvernement irakien, ainsi que la guerre contre l’occident qui combat l’EI pour avoir appliqué la shari’a devient un djihad défensif, donc légitime.

(…)

Même si ce type d’argumentation n’a pas de cohérence, il convient de s’interroger sur la nature de l’interprétation juridique de l’islam et sur les détenteurs de ce savoir.

Les Détenteurs de l’interprétation de l’islam : Les écoles juridiques du sunnisme (almadhâhib) :

Traditionnellement, l’expression arabe Madhâhib est traduite par écoles juridiques du sunnisme, alors que le terme signifie littéralement en arabe la voie empruntée, et par extension, le courant d’opinion. L’idée de l’école est bien présente, mais cette école ne peut être qualifiée de juridique car il n’existe pas de concept dans la terminologie islamique correspondant exactement à l’expression française droit musulman.

Littéralement, l’expression droit musulman peut être traduite en arabe par qânun islami, mais si ces locutions correspondent effectivement à un usage courant et contemporain, elles ne font pas partie de l’appareil conceptuel de ce qui s’est historiquement établi et constitué comme le droit musulman. En étudiant cet appareil conceptuel, on découvre deux termes spécifiques : shari’a et fiqh.

La shari’a est la loi sacrée de l’islam, c’est un ensemble universel de devoirs religieux, la totalité des commandements d’Allah qui règlent la vie de chaque musulman sous tous ses aspects. Elle comprend, en les mettant sur le même plan, des obligations concernant la prière et le rite, aussi bien que des règles politiques et légales, au sens strict du mot.

Il y a eu deux importants changements d’orientation dans l’histoire de la loi islamique. L’un, à une époque reculée (IX siècle ap. JC), est l’introduction d’une théorie juridique qui ne se contentait pas d’ignorer, mais qui niait l’existence dans la loi islamique de tous les éléments qui n’étaient pas islamique au sens le plus strict du mot et qui limitait ses sources matérielles au Coran et à la sunna. L’autre changement est l’introduction d’une législation moderniste d’inspiration occidentale qui a été promulguée par certains pays musulmans au XXe siècle.

Selon la théorie juridique introduite au IXe siècle, la shari’a est censée être consignée dans le Coran et les traditions imputées à Mahomet. Mais ces deux sources ne comprennent que des commandements qui ont pour objet les actions des musulmans : Le récit est souvent utilisé comme vecteur de conviction. Cela conduit à un entremêlement de différents niveaux de discours qui rend difficile l’identification de la shari’a.

C’est pour répondre à ces attentes que s’est constituée une science humaine : le fiqh, qui est la science de l’interprétation des textes. Comme la shari’a, le fiqh se présente comme un exposé des différents actes du musulman, mais vus sous l’angle de leur qualification. Il vise à apprécier l’action humaine, de quelque nature qu’elle soit, au regard des commandements divins et dans la perspective du salut. Se présentant comme un ensemble de qualifications des comportements précisément définis au cas par cas, le fiqh peut être appréhendé comme une casuistique théorique.

Casuistique théorique, parce que les recueils de fiqh ne sont pas l’équivalent des recueils de précédents que connaissent les pays de Common Law. En effet, leur validité ne tient absolument pas au fait qu’ils exposent des précédents judiciaires, mais au fait que les qualifications des comportements qu’ils exposent sont le produit de la volonté divine à laquelle ces qualifications peuvent être rapportées par des procédés contrôlés. En outre, cette casuistique théorique, est aussi et surtout le produit de l’effort intellectuel des maîtres fondateurs des fameuses écoles juridiques du sunnisme nées au IXe siècle ap. JC, les almadhâhib.

Le sunnisme dérive de la sunna qui désigne la tradition de Mahomet comprenant ses actes, ses paroles et ses pratiques établies. Le sunnisme comme doctrine peut être appréhendé de deux points de vue : politico-théologique et théologico-juridique. Du point de vue politico-théologique, le sunnisme s’oppose au chiisme à propos de la question du califat. Les sunnites, qui représentent ce qu’on pourrait appeler l’orthodoxie musulmane, se désignent par ce terme afin de montrer que ce sont eux qui perpétuent la tradition de Mahomet. Contrairement aux chiites, ils considèrent comme légitimes les quatre premiers califes, dits bien-guidés, ainsi quel’ordre dans lequel ils se sont succédés. Les chiites, en revanche, sont dénommés ainsi parce qu’ils considèrent que la succession de Mahomet devrait revenir à sa famille et à ses descendants.

Du point de vue théologico-juridique, le sunnisme s’oppose aux partisans de la libre opinion (ahl al ray) qui affirment la capacité de la raison à fonder un jugement. Cette prétention est catégoriquement rejeté par les sunnites qui affirment la nécessité de rattacher tout jugement au Coran et à la sunna. Cette scission s’est produite après qu’aient été posées les règles qui régissent le travail des maîtres fondateurs du fiqh : uçul alfiqh, les normes de la casuistique des spécialistes du fiqh.

En effet, en amont du travail du spécialiste du fiqh se trouve le travail de l’uçuli dont la fonction consiste à poser les règles de la découverte du jugement à partir des sources. L‘uçuli énonce les sources, pose les normes de l’exégèse du Coran, les conditions de validation ou d’authentification d’une tradition, les conditions de validité de consensus ainsi que les règles de déduction par raisonnement analogique des qualifications non évoquées par les sources. Enfin, il expose les conditions qui doivent se trouver réunies en une même personne afin qu’elle puisse accéder au statut de maître du fiqh.

Il est communément admis dans la littérature relative au fiqh, que quatre écoles juridiques se reconnaissent mutuellement et qu’elles forment ce qu’on peut appeler l’orthodoxie sunnite dans laquelle se reconnaissent : l’islam officiel (les oulémas), l’islam populaire ainsi que le fondamentalisme (tel que le wahhabisme par exemple). Ces écoles sont les écoles Hanéfite, Malikite, Shaféite et Hambalite, du nom de leurs maîtres fondateurs respectifs, morts au IXe siècle ap. JC. Elles se reconnaissent car elles s’accordent sur les fondements de l’orthodoxie sunnite qui s’articule autour :

— du dogme d’un Coran incréé et intemporel (ce qui interdit toute historicisation des ses versets)

— de normes exégétiques et anhistoriques de connaissance de la shari’a, qui interdisent toute interférence de la raison dans la découverte d’un jugement

— de l’ordre du discours, déterminé là encore par uçul alfiqh à travers les conditions posées pour accéder au statut de personne habilitée à interpréter les sources de la shari’a (le Coran et la sunna).

Cette unanimité a été établie à partir du IIIe siècle de l‘hégire, mais il n’en avait pas toujours été ainsi. En effet, dans son rapport à la révélation, la pensée musulmane s’est très vite scindée en deux tendances. Dès la fin du premier siècle de l’hégire (VIIIe siècle ap. JC), on pouvait distinguer les linéaments d’une tendance rationaliste et d’une tendance volontariste.

Au plan de la méthode d’interprétation des sources, ce clivage s’est traduit par l’opposition de l’interprétation rationnelle à l’interprétation littérale. Au cours du second siècle de l’hégire, se sont, si l’on peut dire, institutionnalisées ces deux courants qui alors se disputaient le champ théologique : d’un côté la lecture rationaliste du mutazilisme, et de l’autre côté la science du hadith (tradition) qui était le support nécessaire à la lecture littéraliste, puisque le Coran ne pouvait répondre à toute interrogation. La discipline du fiqh est née de cette lutte entre les partisans de la libre opinion (rationalisme) et ceux du traditionalisme (littéralisme).

Dans la perspective mutaziliste (rationaliste), la raison humaine a la capacité de qualifier les choses de belles ou de laides en toute autonomie. Cette prétention repose sur le même postulat que celui de Saint Thomas d’Aquin qui conçoit un Dieu pure rationalité. En soumettant en Dieu la volonté à l’entendement, Saint Thomas a découvert l’existence d’une lex aeterna rationnelle dont la part accessible est la lex naturalis. En d’autre termes, Saint Thomas a pu déduire des normes en toute autonomie car la vérité existe sur terre et les choses ont une nature. Comme M. Villey l’a constaté, la laïcité du droit était déjà présente chez Saint Thomas d’Aquin.

En autonomisant la raison humaine, les mutazilistes avaient la même approche philosophique et s’entrouvraient donc à la possibilité de découvrir dans le domaine du fiqh le droit naturel. Les traditionalistes, à l’inverse, éliminaient toute incursion de la raison suffisante dans les rapports aux sources.

Historiquement, le califat s’était toujours tenu à l’écart des querelles théologiques internes des sunnites. Les choses changèrent pourtant sous les règnes des califes Al Ma’mûm, Al Mu’tassim et Al Wathiq qui, complètement acquis au Mutazilisme, érigèrent cette doctrine en dogme officiel et persécutèrent les traditionalistes. Au début de l’islam, il y avait donc une certaine possibilité qu’une interprétation raisonnée remporte sur l’application littéraliste de la shari’a. Cette voie aurait permis de mettre la shari’a en conformité avec les évolutions des valeurs de la société musulmane. Mais malheureusement un calife traditionaliste, Al Mutawakkil, succéda aux mutazilites. Il proclama le traditionalisme (littéralisme) comme doctrine officielle de l’islam sunnite.

Ahmed bin Hambal (IX siècle), le maître fondateur de l’école juridique qui porte son nom et qui est considérée comme la plus rigoriste des défenseurs du littéralisme, en devint chef de file. Depuis, le littéralisme constitue la principale caractéristique de l’islam sunnite. Il est transmis par un enseignement religieux en charge de former les clercs, imams et oulémas (savants, théologiens) d’hier et d’aujourd’hui.

Sous ces conditions, il paraît absurde de faire appel aux oulémas pour éteindre l’incendie djihadiste sous prétexte qu’il s’agit de représentants officiels de l’islam de pays dont les gouvernements dénoncent les exactions de l’EI. En effet, ce sont bien les oulémas qui propagent une version littéraliste de l’islam. Le philosophe Oliver Roy affirme qu’il n’existe aucun rapport de causalité entre la manière dont la tradition islamique pense le politique et la réalité des régimes et institutions en pays musulmans.

Il suffit de parcourir la littérature des oulémas, d’écouter les prêches dans les mosquées pour admettre qu’il existe un imaginaire politique islamique dominé par un paradigme : celui de la première communauté des croyants, au temps de Mahomet et des quatre premiers califes. Si les oulémas ont toujours refusé d’appeler au soulèvement afin de renverser les régimes moderniste mis en place au XXe siècle, c’est uniquement parce qu’ils préfèrent un pouvoir injuste à la fitna (division de la communauté). Néanmoins, dans leur discours les oulémas revendiquent eux aussi la mise en œuvre intégrale de la shari’a.

Cette vision fondamentaliste a été souvent occultée par l’émergence de l’islamisme. Or, non seulement ce fondamentalisme traditionnel est véhiculé par un enseignement religieux dans l’ensemble du monde musulman, mais il s’exprime aussi dans ce qu’on pourrait appeler non pas l’islam populaire souvent confondu avec le soufisme, mais le savoir populaire de l’islam, c’est-à-dire les éléments d’un savoir orthodoxe qui circulent dans les milieux non cléricaux.

A suivre > L’école, premier support de l’Islam d’État
source

Sa conversion à l'islam
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